Une page qui se tourne ! À l’occasion du passage-éclair de son fils aîné, parti poursuivre ses études loin de la maison familiale, un père se retrouve à discuter avec ses deux garçons, le plus jeune sur le point de quitter lui aussi le clan, son bac en poche.

Adolescent las d’un cursus scolaire qu’il a hâte d’achever et d’un milieu familial dont il voudrait se libérer, le cadet écoute son père et son frère. L’occasion pour tous trois de sentir avec émotion qu’ils vivent là un moment privilégié, marquant la fin d’une époque et le début d’une autre, porteuse d’espérances mais aussi d’angoisses.

Avec l’espoir que ces trois chemins différents, bientôt empruntés par chacun, ne conduisent pas à un affaiblissement des liens qui rattachaient jusqu’alors ces trois vies, si longtemps en osmose…

Philippe Parrot : Poème contemporain 8 : A deux sang pour sang dans Poésie maison-familiale-07042013

Une rue champenoise.

*      *      *      *

Poème 8 : À deux sang pour sang

.

Perdue au milieu des étoiles, elle tourne sur son axe, tout autour du soleil,

Avec, comme trajectoire, une orbite fidèle à la marche horlogère des vastes

Univers… Entouré de mers et d’océans, tributaire d’eux, un continent veille

Où rayonnent de grands États, à l’histoire jalonnée de guerres et de fastes…

Au cœur d’une région vallonnée, traversée par une paisible rivière, prospère

Une cité soûle de champagne… À deux pas d’une place, se tient une maison

Dans les combles desquels est aménagée une chambre, spacieuse et austère.

Assis près du bureau, sous un plafond pentu, il donne des conseils à foison…

*      *      *      *

Écoutez ses paroles ! Entendez ses remarques ! Elles demeurent en suspens,

Pareilles aux traînées de poussière d’or dans un rai de lumière, et nourrissent

Leur questionnement de Jeunes. Aériennes, elles flottent dans d’obscurs pans

De la conscience d’un père vieillissant qui discute, ravi de parler avec ses fils.

Pour quelques temps encore sur les planches de la Vie ! Hélas, il sait. L’heure

Souvent redoutée où l’âme se détache d’un corps à la dérive, approche… Oui !

Quand il sera contraint, tôt ou tard, de quitter l’avant-scène, malgré leurs pleurs

Ce sera à leur tour d’assurer le spectacle, sous les feux de la rampe… Sans lui !

 .

Dans l’attente, sachez deviner ses sentiments derrière ses pensées, ineptes ou

Sensées, profondes ou puériles, puisées dans son expérience d’homme inquiet

De leur avenir, quoiqu’il ne doutât pas de leurs capacités : de singuliers atouts

En sommeil, cachés depuis toujours ! Graines semées dans vos cœurs choyés,

Germeront-elles en vous, tant désireux d’apprendre ? Vous devrez, à coup sûr,

Veiller sur elles afin qu’elles croissent à votre rythme, selon vos convenances,

Au gré de vos espoirs. Ainsi, peu à peu, deviendrez-vous deux hommes mûrs,

Liés à l’esprit et à la chair qui, dans un seul et même élan, pensent et dansent.

*     *      *      *

Lors d’un échange centré sur lui, le cadet se lève pour prendre ses distances…

Adossé à la porte, mal à l’aise, il n’ose argumenter et écoute son frère, son aîné

De cinq ans, évoquer l’avenir quand il n’en voit aucun. C’est là leur différence.

Un pied dans la chambre, l’autre sur le palier, son attitude trahit l’esprit gêné

D’un garçon qui rêverait d’être « grand » sans quitter son enfance. Dilemme

D’un être tétanisé par le manque d’expérience. Sans repères, amis ou voies,

Il ne sait quoi faire pour entrevoir la vie. Il veut pourtant s’engager et, blême,

Afin de défendre ses idées, il ose prendre la parole et se libérer de leur poids.

 .

Le voilà donc qui s’explique ! La voix est poignante, exprimant tout à coup

Le désarroi qui l’oppresse. Déconcerté par son angoisse, frein au dialogue,

Son frère l’observe, à l’écoute, devinant peu à peu qu’il faudrait avant tout,

Pour apaiser chacun, renoncer à convaincre, sous peine de conflit. Épilogue

D’une adolescence cadrée, à s’être résolu à sacrifier sa passion d’enfance :

L’équitation, pour s’engager dans de longues études, il réalise, sans le dire,

Ce qu’il en coûte d’être adulte par le choix d’un cursus exigeant la patience.

Ce prix qu’il a payé, le cadet devra, lui aussi, l’accepter s’il veut s’accomplir.

.

Au fil des années, parvenu à se donner les moyens de poursuivre le chemin

Qu’il a choisi, conscient de l’enjeu, l’aîné pèse le sens de chacun de ses mots

Et s’exprime posément. Dans ses propos, on sent qu’il n’oublie pas demain,

Pensant ses phrases pour ne pas le vexer, insistant seulement lorsqu’il faut.

Assis sur le bord d’une chaise, les coudes sur ses genoux, son menton calé,

Ses mains jointes, il porte sur son cadet un regard plein de retenue. Il devine

Qu’il suffirait d’un rien pour rompre l’entente. Sereinement, sans s’emballer,

Il l’invite à faire un choix, sûr que toute la famille suivrait même s’il chagrine.

 .

Leur père les dévisage, convaincu qu’il sera moins écouté que les paroles

D’un frère, certes peu présent mais aimé. En effet, un « paternel » ne jouit

D’aucun renom quand son rôle se réduit trop souvent à mettre des bémols.

Toujours contre la porte — le corps tendu — il est malheureux mais tout ouï.

Soudain, il tourne le visage, côté chambre, avant de le porter vers l’escalier,

Côté rue. Ah ! Les voilà donc tes pensées… Tu voudrais quitter ton univers,

Parents et lycée, pour te lancer. Qu’il est dur de franchir ce pas. Le premier !

Pour grandir à tes yeux comme aux leurs, tu devras te soucier d’être ouvert.

*      *      *      *

Comme l’avait fait son aîné, il décidera de ses études. Angoissante direction

Qu’il pourrait refuser en allant à l’échec. Il est difficile de couper ses attaches

Pour aller conquérir le monde. Dans son antre, jusqu’à là protégé de l’action,

Ses tergiversations montrent qu’il ne peut tourner la page et se fixer la tâche

De se donner un destin. Hésitant, il bredouille quelques mots… Chacun le sent

Face, pour de trop bonnes raisons, à trop de choix possibles. Quand jaillissent

De ses yeux des larmes, il cesse de discuter. Son frère prend alors les devants,

Se lève et le serre fort dans ses bras… Ils sont là, émus de se sentir complices.

 .

Leur père reste en retrait de peur de les gêner quand ils le fixent… soudés.

Surprise ! Sans s’être concertés, ils lui ouvrent leurs bras pour l’accueillir

Contre eux. D’un bond, il les rejoint, bouleversé par leur vif désir de garder

Un lien. Il les plaque très longtemps contre sa poitrine. Jusqu’à en défaillir.

Enlacés dans une virile étreinte, leur cœur à l’unisson, le temps, sur l’heure,

S’arrête… Recueillis en eux-mêmes, submergés par des flots d’émotions, à

Fleur de peau, la nuit gagne la pièce lorsque la lune dépose sur eux sa lueur

Argentée. Leur silhouette entourée d’une laiteuse clarté n’est plus d’ici-bas.

*      *      *      *

Sans intention charnelle, trois hommes s’étreignent. Leur touchante accolade

Témoigne d’un profond amour familial. Ils ne disent plus rien quand ils sentent

Qu’ils pleurent, quelques larmes coulant sur leurs joues. Malgré l’embrassade

Qui les laisse émus et sans voix, à entrevoir le Futur avec ses voies attirantes,

Leur père pressent que cette « grâce » finira et qu’aussitôt leur esprit retrouvé,

Ils s’en iront, demain ou plus tard, chercher le bonheur, sûrs d’être chanceux.

Bien qu’il soit dur de composer avec un avenir sans eux, à coup sûr éprouvé

Il accepte qu’ils doivent le quitter pour devenir, ailleurs, deux êtres heureux.

.

fichier pdf P 8 – A deux sang pour sang

Poème écrit par Philippe Parrot, le 13 mars 2012,

Modifié le 9 septembre 2024

Et dédié à Adrien et à Quentin, ses fils.

Vous aimez ce poème. Partagez l’article ! Vous contribuerez ainsi à la diffusion de mes mots.

Image de prévisualisation YouTube

Pour visualiser le poème en même temps qu’il est lu, cliquez simultanément sur le fichier pdf et sur la vidéo !

Retour à la page d’accueil

 *      *      *      *

 I need you

*      *      *      *

Pour accéder à la totalité de mes poèmes classés par ordre chronologique et thématique, veuillez cliquer sur l’une des bannières ci-dessous :

Tous mes poèmes de 1 à 100        0 - Tous mes poèmes  De 101 à 200 bf

Tous mes poèmes de 201 à 300        Tous mes poèmes de 301 à 400

0 - Tous mes poèmes  De 401 à 500        Tous mes poèmes par thèmes

*      *      *      *

Notification : Conformément au code de la propriété intellectuelle (loi n°57-298 du 11 mars 1957), il est interdit d’utiliser et/ou de reproduire et/ou de modifier et/ou de traduire et/ou de copier le texte ci-dessus, de façon intégrale ou partielle, sur quelques supports que ce soit : électronique, papier ou autre, sans l’autorisation expresse et préalable de l’auteur. Tout droit réservé.

 

Votre nom : (oblig.)
Votre email : (oblig.)
Site Web :
Sujet :
Message : (oblig.)
Vous mettre en copie (CC)
 

Mots-clefs :, , , , , , , , , , , , , , , ,

Les commentaires sont fermés.

Théâtre du Moment | Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | apprentie