Au cours d’une promenade sur le chemin de halage, à l’écart de la ville, je ne songeais à rien, trop heureux d’oublier les tracas quotidiens. D’un pas lourd et traînant, car l’âme vagabonde, je marchais vers l’écluse où les bateaux font halte. Solitaire et tranquille…
Mais quand je l’ai croisée, allongée sur la rive, légèrement vêtue d’une robe d’été qui la couvrait à peine, mon cœur a palpité et ma vue s’est brouillée. Souriante et gracile, elle s’est tournée vers moi, me fixant longuement. Ses yeux noirs éclatants me troublèrent puissamment. Je me suis arrêté et je lui ai souri. Je savais tout à coup, charmé par sa beauté, que j’atteignais enfin l’horizon espéré.
Je me suis approché et elle s’est redressée…
Philippe Parrot
Au bord du canal – Jean Pierre Ferland
Pont de Caylus sur le canal du Midi. Dans l’Hérault entre Cers et Portiragnes (latitude 43.314613° longitude 3.312960°). Photo trouvée sur Internet. Auteur non identifié.
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Poème 14 : Au Petit Pont Perdu
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Arc-bouté fièrement aux rives
Verdoyantes d’un canal oublié,
Un vénérable pont, aux pierres
Fendillées par les rudes hivers,
Aux parapets gravés de graffitis
Touchants, marques des amours
Mortes, enjambe une eau calme
Et dormante le long de la vallée.
.
Au centre d’un bel écrin d’arbres
Et de feuillage disposés alentour,
Gardiens vigilants de ce royaume
D’eau aux charmes évocateurs du
Paradis Perdu, il trône à sa façon,
Majestueuse et champêtre, sur un
Cours livré aux barges indolentes,
Jadis halées par de forts chevaux.
.
Il règne dans ces lieux, apaisants et
Retirés, un silence profond où vibre
La nature en mélodieuses musiques.
Voilà l’accord parfait, aux harmonies
Célestes ! Elles tranquillisent le cœur
Et alimentent l’esprit. Même s’il reste
La seule note de pierres à transformer
L’endroit en une fugue enchanteresse.
* * * *
Je marchais d’un pas lent, la tête ailleurs,
Quand la brise légère effleura mon visage
Comme une main sur la peau, caressante.
Les feuilles argentées des frêles peupliers
Frémirent de concert dans un ballet futile.
Agitées par ce souffle, elles bruissaient, en
Un murmure doux à mes oreilles, mais qui
Dut l’alarmer, lui sans cesse sur ses gardes.
.
Car soudain je le vis surgir derrière le pont,
Inélégant et gauche, avec ses longues pattes
Pendantes à sa suite. Il s’arrachait des joncs
En des battements heurtés, ses deux grandes
Ailes cendrées, aux franges bordées de noirs,
À peine déployées… Il s’élevait en un vol lent,
Son long cou mollement étiré et son bec effilé,
Droit vers le soleil lorsqu’il vira vers l’amont…
.
Dans l’axe des berges, à l’approche d’une courbe,
Afin d’échapper à ma vue derrière les frondaisons
D’août, en mâle solitaire troublé dans sa quiétude
Par des bruits déroutants, avec sérénité, il quittait
Les parages. En quête d’un coin de verdure cachée
Où pécher en abondance, à coups de bec puissant,
Des brochets frétillants nageant entre deux eaux…
Va, discret et sage héron, éloigne-toi des hommes !
.
Quant à moi, bluffé, ta sauvage liberté m’exhortait
À vouloir mettre fin tout à coup à mes obligations.
Bien que je sois las de devoir batailler, j’ai pourtant
Continué ma promenade et passé le pont, oublieux
De ton vol, envahi par le désir de partir en voyage.
Au bord, proche de roseaux jouets des vaguelettes,
Une fleur de nénuphar, d’un jaune éclatant, flottait
À la surface, protégée par de vertes feuilles rondes.
.
C’est alors que je te vis, jeune femme ravissante, habillée
Seulement d’une robe d’été, claire transparente et courte,
Dont la coupe cintrée soulignait hanche et sein. Le visage
De trois quarts tu te tournais vers moi, allongée sur le sol,
Pleine d’abandon.Telle une chatte feignant de sommeiller,
Toujours sur le qui-vive, tu me fixais avec tes yeux mi-clos,
Rieurs et pénétrants, rivés à mon regard d’emblée conquis.
Tu t’es dressée d’un bond et moi, bouche bée, je t’ai suivie.
* * * *
Arrivés à l’écluse, nous regardions curieux une péniche passer,
Bloquée un court instant entre les deux portes d’acier tout juste
Refermées. Debout sur le rebord, nous tenant par la main, nous
Surplombions les cales, remplies à ras-bord de tonnes de grains
De blé à peine moissonnés, quand tu te mis à rire brusquement,
À gorges déployées. Tu m’as dévisagé, scrutant mon âme nue, et
Vite tu as compris que je n’oserais jamais, malgré ma folle envie.
Dans un élan câlin tu m’as pris dans tes bras et tu m’as embrassé.
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Chaviré par le goût épicé de tes lèvres, enfoui dans mon palais,
Quand tu as susurré : Veux-tu ?, le chaland s’ébranlait, à l’avant
De la proue les battants libérés, en route vers son port d’attache.
Ma raison vacillait, ma poitrine m’oppressait et je n’osais bouger.
Délurée sauvageonne, tu as sauté, m’emportant avec toi, attaché
Aux rubans de ta chevelure auburn. Et… au rythme tranquille du
Bateau, nous nous sommes éloignés pour ne pas revenir. Heureux
De fuir, sans le moindre regret, la vacuité de vies trop ennuyeuses.
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Poème écrit par Philippe Parrot
Commencé le 01 septembre 2012,
Terminé le 16 septembre 2012
Et modifié le 5 septembre 2024.
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