Le vent ! Voilà bien un élément dérangeant pour nos esprits cartésiens puisqu’il se joue en permanence du bon sens, en mettant à mal notre perception de la réalité. Car, à l’inverse de la terre, de l’eau et du feu dont nous appréhendons aisément l’indéniable matérialité, le vent, lui, ne se voit pas et ne se touche pas. Il est évanescence et insaisissabilité.
Pourtant, bien qu’il n’ait a priori aucune présence palpable, il s’impose à nous par sa force qui contrecarre la nôtre. Preuve évidente de son existence, c’est bel et bien cette immatérielle puissance qui explique la fascination, quasi magique, qu’il revêt à nos yeux. Partout et nulle part à la fois, invisible mais omniprésent, il se manifeste au gré des humeurs changeantes de son souffle. Avec un tel don d’ubiquité, nul ne peut s’y soustraire, prisonnier de ses courants. Ainsi entraîne-t-il nos vies dans son sillage, fidèle guide des chemins que nous empruntons.
Accompagnateur de nos destins, à les envelopper de ses frasques caressantes ou tempétueuses, il finit toujours par s’immiscer dans notre imaginaire et par emporter haut, ailleurs et loin nos pensées. Où que nous posions nos pieds, où que nos rêves nous portent, le vent est donc là, nous marquant de son sceau. Voilà pourquoi le poème ci-dessous lui rend hommage…
Philippe Parrot
Photo trouvée sur internet. Auteur non identifié.
Noir Désir – Le vent nous portera
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Poème 16 : Quand le vent tant las sera…
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Sur la grève en pente douce
Où chaque pas à peine posé,
Drolatique trace de nos vies,
Se dissout aux vives vagues,
Bordées d’une écume légère,
Tête à loisir le sein, bambin,
De ta mère réjouie ! Elle sait
Quel si fugace bonheur c’est
De marcher avec toi, malgré
L’air du large cinglant et vif,
Et d’associer sa voix, ses cris
Au piaulement des albatros.
Laisse-la vibrer, et goûte son
Lait, le regard vers les cieux.
Et, n’oublie pas cette bise-là !
Enserre-la fort dans ton cœur,
Car quand le vent tant las sera,
Tout de nos vies la tienne aussi
Disparaîtra…
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Dans la rue pleine de monde
Qui vont qui viennent, agités,
De sottes files de bagnoles au
Pas et quel concert de klaxon,
D’arbres rabougris, et noirs de
Crasse, étouffés par l’asphalte,
Vois-les tendre leurs branches
Vers le soleil, manière de crier
Eh ! Que ça cesse… C’est vrai,
Gamin ! Où allons-nous ? Sûr,
T’as raison de courir sans peur
De trébucher, les yeux en l’air,
Après ton ballon lesté d’un fil.
Il oscille et monte vers le ciel.
Sens cette brise-là sans trêve !
Enserre-la fort dans ton cœur.
Car quand le vent tant las sera,
Tout de nos vies la tienne aussi
Disparaîtra…
* * * *
Pavane fringant jeune homme
Aux bras de ta si belle amante,
Provocante et rieuse. Tu aimes
Son audace, arbitre de tes sens.
Jouis donc de la vie ! Et croque
Avec joie à ses fruits défendus !
Et fiche-toi de bâtir ton avenir !
Songe au présent à ses instants,
Au souffle de tes désirs ardents.
Ils exaltent l’esprit et embrasent
Le corps. Puise dans ton ventre
Ses forces nourricières ! Laisse
Cette rafale-là t’emporter loin :
Vers un éther bleu de lumineux
Baisers et d’abandons féconds !
Enserre-la fort dans ton cœur,
Car quand le vent tant las sera,
Tout de nos vies la tienne aussi
Disparaîtra…
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En beau costume attaché-case
Grosse cylindrée coupé sport,
T’as une épouse cadre émérite
Et une maîtresse très glamour.
Tu joues en bourse, et de sang
Froid, l’avenir d’usines, manie
Des sommes, vertigineuses, en
Un seul clic, broyeur de vies !
Mais tu t’en fous royalement,
T’es trop cynique ! Ça t’excite,
T’as peur de rien, sacré trader.
D’ailleurs ta banque te couvre
Car tout se paie sur le marché,
Même ta conscience, a priori !
Quadra, un temps encore aux
Jeux d’argent, tu seras maître.
Agis jusqu’à cette tornade-là !
En un passage cataclysmique,
Elle balayera ton monde faux.
Enserre-la fort dans ton cœur,
Car quand le vent tant las sera,
Tout de nos vies la tienne aussi
Disparaîtra…
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Un soir dans ta chambre, vieil
Homme sur le lit, le corps las,
Tes membres douloureux trop
Usés par le temps, tu fermeras
Les yeux pour songer au passé,
Te rappeler l’émoi tenace l’âme
Esseulée la seule que tu aimas,
Hélas si vite partie. Depuis, au
Au fond de ta mémoire elle gît.
Vif soleil, éclairs de tes jours !
Pleure une dernière fois cette
Chair disparue ! Vit-elle enfin
Au quotidien le rêve de sa vie,
Son bel amour simple ? Voilà
Ton vrai souci ! Car, dehors et
Dans ton être, souffle soudain
Le blizzard, indice du départ.
Dans un râle puissant, respire
Cette ultime vive bouffée-là…
Enserre-la fort dans ton cœur,
Car quand le vent tant las sera,
Tout de nos vies la tienne aussi
Disparaîtra…
* * * *
Dis ! Faudrait pas que ça s’arrête
Car j’ai la trouille d’y aller. Arrête
Donc de ruminer, tu vas te perdre
Dans tes pensées ! Faut t’agripper,
Arquer te remuer, jouir à te pâmer
De tes pulsions au creux des reins !
Car nos actes, nos mots, nos rêves,
Oui, tout de nos vies nos vies aussi
S’en ira, en envolées de poussières,
Quand le vent d’autan tant las sera.
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P 16 – Quand le vent tant las sera
Poème écrit par Philippe Parrot,
Commencé le 1er octobre 2012
Et terminé le 11 octobre 2012.
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