Toute organisation sociale — ayant pour vocation de perdurer dans le temps — doit assurer sa pérennité dans le présent mais aussi dans l’avenir. Cet objectif implique : d’une part de figer les Rapports de Production existants dans un cadre légal afin d’assurer la cohésion sociale nécessaire au fonctionnement du Mode de Production ; d’autre part d’assurer la reproduction des dits Rapports de Production en transmettant de génération en génération savoirs et techniques, valeurs et réseaux.

Si la première tâche est dévolue aux Appareils Répressifs (voir schéma ci-dessous en fichier pdf) tels que la police ou l’armée, la seconde incombe exclusivement aux Appareils Formateurs, notamment à l’école. Toutefois, ce rôle de passation des connaissances engendre des conséquences sociales opposées à son éthique. En effet, dans les États modernes, la spécialisation des tâches s’est avérée le seul mode d’organisation permettant de fabriquer toujours plus de marchandises toujours plus vite, pour satisfaire toujours plus de besoins toujours plus sophistiqués. Fruit de cette évolution, la division du travail — inventée par Taylor au début du 20ème siècle — constitue aujourd’hui, avec l’argent, le moteur de la société industrielle. Le principe de différenciation est ainsi devenue l’essence même du système, garant de son efficacité, de sa productivité et de sa pérennité. Concrètement, les différences apparaissent au sein des entreprises, des administrations et des services au niveau des fonctions exercées. Chaque individu occupe un emploi spécifique, intégré dans une hiérarchie de postes qui exigent chacun des capacités particulières. Une telle organisation pyramidale est donc structurellement inégalitaire.

Néanmoins, tenue d’assurer la continuité du système, l’école ne peut faire autrement que de le reproduire. Ainsi, formate-t-elle chaque élève afin qu’il s’intègre demain dans le monde du travail, à la place correspondant a priori à ses connaissances acquises durant son cursus scolaire. Il apparaît dès lors que, derrière son principe fondateur : donner à tous le même accès aux savoirs, la vocation objective de l’école est en fait de produire de la singularité professionnelle et culturelle, en inculquant des niveaux de savoirs adaptables à des niveaux de fonctions.

Loin de concourir à rendre les citoyens égaux entre eux, la vraie mission de l’école est donc de produire de la différence en fabriquant des agents différenciés et inégaux. Différenciés par leurs compétences afin qu’ils puissent occuper une fonction précise au sein de la société et inégaux par leur responsabilité parce que la dite fonction implique ou non la jouissance de pouvoirs ! En distinguant les hommes par leur degré d’instruction, l’école conforte ainsi les inégalités existant dans la sphère économique et culturelle. Elle est cette institution qui, loin d’émanciper les individus, contribue à leur assujettissement aux hiérarchies existantes et aux pouvoirs en place, assurant la pérennité du système.

Philippe Parrot

Remarque : Didier BALLESTA a écrit le commentaire suivant sur Google plus, en date du 09/08/2015 : « Bien sûr, la critique est justifiée. Je me demande simplement si l’école est réellement responsable de cela. La société est inégalitaire. C’est une société de classes. L’école tente d’amener chaque enfant au maximum de ses possibilités. Certains vont loin, d’autres moins. Il est évident que, sauf exceptions, ce sont les enfants des classes aisées qui vont le plus loin, et ceux du prolétariat qui stagnent. Osons une question iconoclaste : sommes-nous réellement égaux à la naissance quant à nos potentialités intellectuelles ? Et la question subsidiaire : n’y aurait-il pas, en plus de l’apport culturel apporté à leurs enfants par les « élites », une part importante de transmission génétique dans l’expression de ces potentialités ? Autre question : l’école n’a-t-elle pas autrefois joué ce rôle d’ascenseur social qu’elle ne joue plus aujourd’hui, quand  les inégalités tenaient à la naissance, quand chez les paysans, les ouvriers, il y avait des intellectuels qui s’ignoraient ? Il ne s’agit pas bien sûr pour moi d’accepter le monde tel qu’il est, au motif que chacun n’aurait que ce qu’il est capable d’atteindre. Je crois que le problème est ailleurs, dans la création d’une société prônant l’égale dignité de chacun, valorisant les travaux socialement utiles, un éboueur, par exemple, valant plus qu’un trader, à mon sens, un paysan bio qu’un technocrate du FMI au service du néolibéralisme… Je crois précisément que c’est cette mission de valorisation de l’intérêt collectif, d’apprentissage du vivre ensemble solidaire et coopératif, d’égale dignité des humains et de défiance des pouvoirs que l’on devrait assigner à l’école. Et je crois que c’est là qu’on devrait la critiquer car elle ne le fait pas, et non sur un rêve idéal de non reproduction des inégalités dans cette société-là, objectif illusoire qu’elle ne saurait atteindre. Bien cordialement. »

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L’égalité des chances, à l’école, n’existe pas : Bourdieu, Passeron.

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fichier pdf Structures économique et culturelle de la société

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