Comment être femme aujourd’hui et concilier deux exigences contradictoires : rêver d’attachement et de liens et revendiquer en même temps son indépendance et son autonomie ? Oui, comment concilier nuit et lumière, enfermement et liberté, amour et libération ?

Plus largement, chacun d’entre nous peut-il espérer un jour être en adéquation avec sa nature profonde et vivre le présent, dans la pleine jouissance de ses contraires, déchargé tout à la fois du poids du passé et des angoisses de l’avenir ?

« Peaux d’âme » tente d’une manière cocasse et détournée d’évoquer ces aspirations. Avec l’espoir néanmoins que certaines femmes se reconnaîtront à travers ces avatars qui — de métamorphose en renaissance au sein du flux incessant de la vie — visent au bout du compte à atteindre ce à quoi nous aspirons tous : l’épanouissement et le bonheur.

Dans l’attente de concrétiser une telle quête, la transposer en métaphores permet dans l’immédiat de la vivre par anticipation.

À vos rêves, prêt, partez !

Philippe Parrot

Philippe Parrot : Poème contemporain 19 : Peaux d'âme dans Poésie peaux-dame-300x60

*     *     *     *

Poème 19 : Peaux d’âme

.

Ô Samsãra, emmène-la !

.

Il brille dans ses yeux,

Ravis de s’y soumettre,

Le signe du Renouveau.

Au printemps, tu seras :

.Ses espoirs en demain !

.

Elle est bénie des dieux

D’avoir en soi des êtres

Vêtus d’étranges peaux.

Indifférente à l’apparat,

Vois-les toutes en main !

*      *      *      *

Désopilante marmotte

Attachante et sauvage,

Éprise de libertés… Au

Fond de ton terrier, un

Renard solitaire niche.

.

T’imaginer à ses bottes

Et supporter sans rage

Cet inacceptable fléau,

Quel affront à ta faim !

Ta haine, tu l’affiches !

.

Aussi, malgré ta nature

Joviale et indolente qui

Adore tant flemmarder,

En cette fin d’année, te

Voilà lasse d’hiberner !

.

Livrée à cette créature,

Vite en terrain conquis,

À fatiguer à t’en garder,

Fuir ce lieu trop miteux

Hante ton esprit, cerné.

.

Ton allure trop bonasse

Et ton corps bien replet

Cachent à l’évidence un

Âpre serment. Ne perds

Pas envie de le châtier !

.

Laisse-le dans sa crasse

À rouvrir une vile plaie

Et toi chéris ton destin !

Un rai, dans ton repaire,

Te guide vers le sentier…

*      *      *      *

Dans une vaste chambre

Où trône un très haut lit,

Protégé par des voilages

Froissés et froufroutants,

Chatte, tu vas t’y vautrer.

.

En ce jour de décembre

Chasseur des embellies,

Tu veux voir, fier otage,

Si ta maîtresse vraiment

Dort. À sa place attitrée !

.

Avec grâce, tu approches,

Sautillante sur tes pattes,

La queue droite, élancée,

Oreille fine, regard froid,

En quête du vieux plaid…

.

Elle te fait nul reproche.

Aussi doux que la ouate

Ce vêtement bien pensé

N’est pas au bon endroit

Sur elle. Trop il te plaît !

.

Jeté en éventail, à même

Le duvet près des pieds,

Tu viens câline t’y lover,

T’y prélasser, ronronner,

Et t’étirer, à chaque fois.

.

Toute en boule, tu aimes

Te sentir admirée, épiée,

Confiante dans ce foyer.

Œil côté fenêtre, étonné,

Un rayon éclaire ta voie.

*      *      *     *

Chaque matin en pleine

Savane lorsque le soleil

Zébré de jaune et rouge

Embrase le Levant, sous

L’arbre se lève sa portée.

.

Endormis, à son haleine

Chaude, adorable réveil,

Ils sentent qu’elle bouge.

Si jeunes, elle les absout

De ne pouvoir l’escorter.

.

Toutefois, elle va devoir

Partir en chasse pour les

Gorger, ses vifs affamés.

Impatients, ils attendent

Leur portion journalière.

.

Lionne refusant de choir,

Émue, avant de s’en aller,

Elle vient les lécher mais,

Déjà ailleurs, se demande

Si elle devra, comme hier,

.

Suivre pendant des heures

Des troupeaux de gazelles.

En vain. Usée par sa tâche,

Dangereuse et sans fin, elle

Ressent une fatigue égoïste

.

Et un allant brisé. Erreur

De la juger pleine de zèle

À tuer ainsi sans relâche !

Seule elle perçoit l’irréelle

Lumière indiquer sa piste.

*      *      *      *

Enfin exaltée, exempte de

Contraintes, même déliée

De promesses et détachée

De la terre où l’on s’échine

À se battre dans ses boues,

.

Elle a, dans l’entre-deux

Des mondes, un dur allié

Dans le ciel infini, lâché !

Au vent, mouette mutine,

Va, grisée, jusqu’au bout !

.

Élève-toi, à grands coups

D’aile, toujours plus haut

Encore plus loin ! Ne vise

Rien moins que l’éther et

Plonge dans ses Fluides !

.

Exige des airs beaucoup,

Envole-toi loin du chaos,

Plane portée par la brise,

Survole le monde atterré

Et bénis ces cieux arides !

.

Purs et salvateurs, ils sont

Seuls ton gage d’indicibles

Bonheurs. Comblée, ferme

Les yeux et, ivre par choix,

Risque tout avec démesure.

.

Vibre, le corps à l’unisson,

Frémis, le cœur disponible

Enfin lâche prise, au terme

D’envols imaginés par toi…

L’espace te prête son azur !

*      *      *      *

Écoute souffler les autans !

Ils rendent fous les hères…

Impétueux, ils pressentent

Ton désir d’Absolu, et sûrs

S’emploient à ce qu’il vive.

.

Une tempête droit devant,

Dans sa spirale planétaire,

T’a alors portée, puissante,

Vers l’Ailleurs. Bel augure,

Céleste route d’âme naïve !

*      *      *      *

Oh ! muse soudain libérée

De curieux avatars, magie

De trois fées penchées sur

Ton berceau ! Divine mue,

Deviens La Fille du Vent !

.

Car, en pleine mer, affairé,

Un capitaine reste de vigie

À observer l’horizon, mûr !

Il rêve de voir cette île nue

Qu’il visiterait en chantant.

.

Il règne sur un trois-mats

Et vogue solitaire sans un

But précis… À voir sa fière

Allure, il a un air honnête

Et d’innombrables talents.

.

D’un souffle caressant, pas

D’une tornade, sers tes fins

Et oublie tes joutes d’hier !

Effleure longuement sa tête

Et agis, tes sens déferlants !

.

Aidée de courants, pousse

Son navire vers le lointain

Lagon, accueillant et bleu,

Où vous vivrez ensemble,

Dans une étrange entente.

.

Aérienne, légère et douce,

Tu l’enivreras de tes câlins

Subtils et lui, bienheureux,

Même s’il se tait et tremble,

Comblera ta fébrile attente.

*      *      *      *

D’autant qu’au fil des ans,

Par quel miracle, en sirène

Tu changeras ! Si radieuse

Avec tes tétons provocants

Et ta voix, claire et amène,

Qu’il jouira de toi, rieuse !

*      *      *      *

Oui, Homme, emmène-la !

.

Il brille dans ses yeux,

Ravis de s’y soumettre,

Le signe du Renouveau.

Au printemps, tu seras :

Toi, son avenir certain !

.

Elle est bénie des dieux

D’avoir en soi des êtres

Vêtus d’étranges peaux.

Indifférente à l’apparat,

La voilà vénérée ! Enfin.

 .

fichier pdf P 19 – Peaux d’âme

Poème écrit par Philippe Parrot,

Commencé le 26 décembre 2012

Et terminé le 5 janvier 2013

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