Matthieu savait que cette sortie avec son fils était la dernière. En phase terminale de cancer, son temps était compté et reporter à un autre jour ne lui permettrait pas de faire ce qui lui tenait à cœur. Après en avoir discuté avec les médecins, il avait donc obtenu l’autorisation de quitter l’hôpital une journée.
Main dans la main, il se promenait avec son enfant dans le parc où il l’avait souvent amené, à l’époque où il était en pleine forme. Et, s’il avait toujours refusé qu’il fasse de la balançoire, le jugeant trop petit, Matthieu savait que c’était cet après-midi ou jamais qu’il devait lui en donner l’autorisation.
-) Romain, tu sais où nous allons ?
-) Non !
-) Sur l’aire de jeux pour que tu puisses monter à la balançoire. Tu en as toujours rêvé, n’est-ce pas ?
-) Oh oui ! Mais pourquoi aujourd’hui, papa ?
-) Tu verras…
Romain, assis sur la planche, les mains agrippées aux cordes, s’élançait toujours plus haut, imprimant à son corps l’impulsion nécessaire pour que sa vitesse augmente. Face à lui, Matthieu se tenait droit, les bras grand ouverts, prêt à le réceptionner dès qu’il sauterait comme il le lui avait demandé.
-) Saute, fiston, maintenant !
Confiant, Romain lâcha prise et, projeté dans les airs, atterrit dans les bras de Matthieu qui l’enlaça très fort, comme jamais il ne l’avait fait auparavant. Ainsi, recommencèrent-ils plusieurs fois, sans se lasser l’un et l’autre, Romain, troublé par la puissance des étreintes paternelles.
Intrépide, le garçon riait quand, à une énième tentative, alors qu’il venait de s’éjecter, il vit avec effroi son père baisser ses bras et se mettre de côté, le laissant tomber sur le sable, les quatre fers en l’air et les fesses endolories. Il se redressa, choqué et les larmes au bord des yeux.
-) Papa, pourquoi t’as fait ça ! Tu t’es esquivé au dernier moment pour que je tombe et me fasse mal.
-) Romain, c’était justement ce que je voulais que tu comprennes à cette heure. Les premières fois, tu as ressenti ce qu’est l’amour. Mais, au final, je désirais que tu perçoives aussi ce qu’est la vie. Celle qui t’attend… Voilà qui est fait !
Et c’est ainsi qu’ils reprirent le chemin de l’hôpital, Romain grandi par l’expérience.
Philippe Parrot – Texte écrit le samedi 13 septembre 2014
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