Ce qu’il y a d’inacceptable à notre raison humiliée, c’est que la vie qui nous créa — ce dont nous lui sommes éternellement redevables — s’arroge néanmoins le droit de se constituer en Tribunal d’Exception, chargé de nous condamner d’office.
Ainsi, royalement indifférente aux aléas de nos existences, à nos espoirs comme à nos joies, à nos projets comme à nos actions, à nos combats comme à nos difficultés, à nos souffrances comme à nos peurs, à nos remords comme à nos doutes, avant même que nous n’ouvrions la bouche pour défendre notre cause, elle abat sentencieusement son marteau et, sans même dénier nous écouter — pire sans chercher à savoir si nous avons ou non commis quelque «crime » — là voilà qui nous inflige le plus cruel des châtiments qui soient : la peine capitale.
Innocent ou coupable, nous accordant cependant un sursis dans son infinie magnanimité, nous mourrons donc.
Impuissants et résignés, enfermés dans ces cadres oppressants que sont l’espace et le temps, notre « couloir de la mort », ne nous reste plus en conséquence qu’à tenter de jouir le plus intensément et le plus profondément possible de ces quelques « jours » de grâce octroyée.
Si révoltant destin !
Philippe Parrot
Photo trouvée sur internet – Auteur non identifié
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Poème 89 : Nous, condamnés à mort !
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Nous, condamnés à mort,
Entre nos quatre murs,
Hurlons dans nos cellules
D’impuissantes pensées…
Elles violent le mortifère silence,
Oppresseur de nos vies, éparpillées.
Ce sont de fait d’âpres cris sexués
Ou bien des rires masturbatoires
À en éclabousser nos nuits,
Giclures sur nos bat-flancs
Que comptent, vils et perdus,
De rares rats encore vivants…
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Nous, condamnés à mort,
Entre nos quatre murs,
Obséquieusement rêvons
D’écraser nos chères petites gueules
Contre de noires pierres d’opprobre
Pour saigner nos âmes infernales,
Chaudes comme les veines
D’une main de manchot. Se brisent alors
Les miroirs aux parois déformantes,
Accrochés dans quelque train fantôme
Où nous nous faisons peur, vide
Sidéral de sommeils en éclipse.
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Nous, condamnés à mort,
Entre nos quatre murs,
Sans chercher à comprendre
Le pourquoi des « comment »,
À frotter nos cachectiques espoirs
Aux morceaux de cervelle
Dispersés sur les routes de l’Histoire,
Conflictuelles et sanglantes,
En quête d’un regard éperdu
Ou même d’une quelconque caresse,
Usons, à la longue, notre esprit
Toujours prêt à rompre, tel un barrage…
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Nous, condamnés à mort,
Entre nos quatre murs,
Laissons crever nos coupables attentes…
Ô longues expiatoires errances,
Combien de lourdes croix,
Sur nos épaules meurtries,
Nous faudra-t-il porter, muets ?
Combien d’inaccessibles montagnes,
Sous nos pas, glissantes et enneigées,
Faudra-t-il gravir pour finir au sommet,
Exaltés, avant que ne s’embrasent enfin
Nos cœurs désespérés d’avoir été éteints ?
.
Nous, condamnés à mort,
Entre nos quatre murs,
Avant de brûler en Enfer,
Dans les flammes de brasiers,
Oui ! réjouissons-nous un temps,
Exclus, déchus, mais magnanimes,
Que certains parmi nous aient eu
Le privilège de vivre un grand amour
Dont les feux consument tout autant,
Voire même davantage, les entrailles éventrées
Des hommes rêveurs d’embrasements,
Que celles des vieux à l’agonie, le corps exsangue !
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P 89 – Nous, condamnés à mort !
Poème écrit par Philippe Parrot
Commencé le dimanche 19 avril 2015
Et terminé le mercredi 22 avril 2015
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