Un vieil homme, las et désabusé, marche le long d’un chemin. C’est l’automne et le soleil se couche à l’horizon quand il aperçoit dans la lumière rasante du soir l’impressionnante frondaison d’un chêne qui se dresse, seul, sur le bas-côté. Lentement, il s’en approche lorsqu’une bourrasque lui cingle le visage. Une feuille se détache d’une branche, virevolte et vient tomber à ses pieds. Touché, il stoppe net, traversé par un violent émoi…
Bien des années plus tôt, alors que la femme qu’il aimait s’offrait à lui pour la première fois dans un sous-bois, une feuille de chêne était alors venue se poser sur sa poitrine, apportant à sa manière la caution de la Nature à leurs ébats. Hélas, disparue accidentellement quelques mois plus tard, s’il ne s’était jamais remis de ce drame, ce souvenir précis avait sombré. Jusqu’à cet instant où, au crépuscule de sa vie, sans qu’il ne s’y attende le moins du monde, une autre feuille de chêne, interférant encore sur son existence, venait lui rappeler le sens profond de nos destins et de leur cycle…
Philippe Parrot
Serge Gainsbourg, la chanson de Prévert
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Poème 116 : Le vieil homme et la feuille morte
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Une feuille, par un soir d’automne,
Au bord crénelé, se détache, atone,
D’un chêne, où un pinson fredonne
Un chant à sa femelle, une madone.
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Emportée par le vent, elle vibrionne.
Illuminée par le soleil, elle rayonne…
En un dernier élan, elle s’abandonne
Et, libérée de sa branche, papillonne.
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À tes pieds, près des bords de l’Yonne,
Décidé à fuir une vie trop brouillonne,
Toi qui ne désirais pas qu’on te sonne,
À la voir choir sur le sol, tu frissonnes.
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Un nom s’entend alors que tu claironnes
Bien gravé dans ta mémoire fanfaronne.
Sarah ! Tandis que ta chemise festonne,
Tu sors ta main tremblante et tatillonne.
* * * *
Jadis, dans son herbier d’illustres fleurs,
Preuve de la naissance de votre bonheur,
Elle en conservait, collée en ton honneur,
Une autre, la seule à rappeler à son cœur
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Toi qu’elle aimât jusqu’à sa dernière heure.
Preuve d’une promenade haute en couleurs,
Différente de celle d’aujourd’hui, sans heurt
Atterrie entre vos corps nus pleins d’ardeur,
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Elle consacrait en son temps cet enchanteur
Émoi de vous, amants insensibles aux peurs.
Mais, désormais qu’elle n’est plus, la chaleur
De vos membres autrefois étreints en chœur,
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Te manque. À revivre ce qui finit en malheur,
Sur ta joue coulèrent des larmes de candeur.
Tu plias les genoux, l’âme privée de couleurs,
Et ramassas celle cruelle de te mener ailleurs.
* * * *
Semblables, privée de sève, exsangue de sang,
Anémiés tous les deux vos saisons accomplies,
Vos êtres desséchés par les souffles bruissants
De vos rudes existences, loyalement remplies,
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Cette rencontre fortuite au cours de ton errance
Ravivait dans ton esprit de poignants souvenirs
Et en sonnait le glas… Le pressentant en silence,
À l’arbre où elle crût, tu te pendis. Pour en finir !
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P 116 – Le vieil homme et la feuille morte
Poème écrit par Philippe Parrot
Commencé le lundi 17 août 2015,
Terminé le jeudi 20 août 2015
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