Née en 1985 à Kobané, Ruqia Hassan Mohammed était une syrienne kurde. Après des études de philosophie à Alep, elle rejoint en 2011 le soulèvement armé contre le régime de Bachar al-Assad puis, quand Daech entre en 2014 dans Raqqa pour faire de cette ville la capitale de son califat, elle refuse de partir.
Journaliste indépendante, elle s’exprimait sur les réseaux sociaux sous le pseudonyme de « Nissan Ibrahim », avec la volonté de témoigner des violations des droits de l’Homme commises par les djihadistes. Portée disparue à la fin du mois de juillet 2015, elle aurait été exécutée, semble-t-il, en octobre 2015 pour « collaboration avec les sahwat » (nom donné par Daech à l’opposition syrienne), l’annonce de son assassinat n’étant faite qu’en janvier 2016. Son dernier message présenté sur le web, glaçant et prémonitoire, était le suivant : « Je suis à Raqqa et j’ai reçu des menaces de mort, mais quand l’EI m’arrêtera et me tuera, je serai en paix parce qu’ils couperont ma tête mais pas ma dignité ; ce qui est mieux que de vivre dans l’humiliation sous Daech ».
Pour que sa courte vie ne serve pas qu’à compléter d’anonymes et froides statistiques, veillons à garder d’elle le visage lumineux d’une jeune femme de conviction, exemplaire et déterminée, aux pommettes hautes et saillantes, au sourire un peu pincé, aux sourcils noires et larges, certes coquette et féminine mais surtout, oui surtout, si courageuse…
Philippe Parrot (source internet)
Photo de Ruqia Hassan Mohammed, présentée sur les réseaux sociaux.
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Poème 154 : Souvenez-vous de moi !
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Amis, inconnus bienveillants,
À cette heure où ma belle âme
S’est glissée enfin se réveillant
Dans les rêveries d’un quidam
.
Prétendument poète, à travers
Ses mots, jetés pour émouvoir,
Sentez-moi livrer dans ses vers
L’engagée qui sut ne pas choir !
* * * *
Habitante de Rakka, aux portes
Du désert, quand Daech décréta
D’en faire sa capitale place forte,
Je n’ai fui ni la guerre ni cet État.
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Désireuse d’assumer pleinement,
Dans ma ville d’élection, ma jeune
Vie de femme musulmane, aimant
Ma religion, ses rites et ses jeûnes,
.
Au nom de tous ces êtres, enchaînés
Dans l’enfer, j’ai souhaité témoigner,
Chaque jour, de nos vies de damnés,
Sûre qu’ils finiraient par me saigner.
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Aussi, via les réseaux sociaux ouverts
Sur les autres, ai-je raconté ce qu’il en
Coûte de vivre, terrorisée, un calvaire,
Otage des djihadistes, cruels croyants.
* * * *
Malgré tous leurs barrages et contrôles,
Permanents dans les rues, qui poussent
À se terrer ; malgré, bien pitoyable rôle,
Tous leurs indics appelés à la rescousse,
.
J’ai vu de fenêtres ou terrasses, atterrée,
Tant de sang couler : des gens décapités,
Des femmes lapidées, des brutes, effarée,
Violer des chrétiennes en toute impunité.
* * * *
Tant d’horreurs et de massacres commis
Dans la liesse au nom d’Allah ! Pourtant,
De ses nimbes où Il demeure, a-t-il remis
À l’homme le droit de tuer à plein temps ?
.
Je doute à sa grandeur qu’il rêve d’asseoir
Son royaume sur ces dizaines de cadavres
Laissés, mutilés, égorgés, sur les trottoirs.
Réfléchi, il veut que la Terre soit un havre.
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Hélas, trop avides de pouvoirs, ses servants
Fanatiques lui prêtent, en guise d’intention,
Ce châtiment divin qu’ils mettent en avant :
L’apocalypse qu’annoncent leurs exactions !
* * * *
À cet instant où mon visage amène, séparé
De mon corps par une main sacrilège, dort,
Yeux fermés, ignominieux charnier, enterré
Dans un coin, perdu, que ma famille ignore,
.
Il ne me reste plus qu’à tire-d’aile m’envoler,
Telle un pigeon voyageur attiré par les cieux,
En quête de vos accueillants foyers, consolée
Par vos pensées d’un destin trop pernicieux…
.
Vous souhaitant bonne route dans un monde
Pacifié, si vous le voulez bien, je m’installerai
Au tréfonds de vos cœurs, émue qu’à la ronde
Vous parliez de moi, ange arraché à leurs rets.
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P 154 – Souvenez-vous de moi !
Poème écrit par Philippe Parrot
Commencé le vendredi 5 février 2016
Et terminé le lundi 8 février 2016.
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