S’il y a un mythe qui perdure dans l’inconscient collectif, c’est bien celui de la Belle et la Bête. Opposant l’innocence à la noirceur, la beauté à la laideur, il met en évidence ce qu’il y a d’impensable, pour un homme éduqué selon des principes, d’accepter de marier a priori de tels contraires. Conséquemment, il montre aussi ce qu’il y a de révoltant à ses yeux de constater que de tels attachements contre-nature existent cependant, malgré la réprobation unanime qu’ils suscitent…

En fait, à travers ces deux personnages : la Belle, incarnation du Bien et la Bête, incarnation du Mal, la fonction de ce mythe ne serait-elle pas de suggérer qu’un être, aussi dévoyé soit-il, peut se révéler digne d’être aimé dès lors qu’il possède des qualités compensant largement ses vils travers ? D’autant qu’à chaque fois la Belle, fort d’un instinct de sauveuse bien ancré dans sa chair et d’un pressentiment d’inspiration quasi divine, peut se croire assez forte pour métamorphoser le monstre en un homme, par le seul pouvoir de son amour…

Voilà pourquoi ces héros nous fascinent quelle que soit leur histoire, quelles que soient leurs difficultés ! Dans un monde normatif et normé qui prétend abolir les différences, ils démontrent de manière magistrale et dérangeante combien l’existence se rit de nos lois et conventions, associant parfois des opposés avec désinvolture, animée par d’obscures forces qui interagissent entre elles sans le moindre souci de perfection, d’harmonie ou d’éthique…

Philippe Parrot.

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 Extrait du film « Legend » (1985) de Ridley Scott

 *      *      *      *

Poème 162 : La pucelle et le diable

.

Gracieuse adolescente,

Offerte en sacrifice,

Sur sa robe indécente

Portée sans artifice,

Un pan de soie flottait,

Exhibant une seconde

Un sein trop ballotté,

Une fesse bien ronde.

.

D’un pas de danse,

Elle courait le long

D’un corridor immense,

— Des torches pour jalons

Accrochées à la pierre

D’imposantes colonnes —

Psalmodiant des prières

Entendues par personne.

 .

Perdue dans ce dédale

Hanté d’âmes brûlantes,

Guidée par une voix létale

Et une ombre rampante

Qu’engendrait la lumière

— Ensorcelante contrée ! —

À sa merci, dans sa tanière,

Elle allait Le rencontrer.

*      *      *      *

Lui ! À l’opposé des dieux

Aux desseins angéliques !

Lui ! Le maître de ces lieux,

Aux courroux diaboliques !

Lui que les mâles redoutent,

Haïssent ou idolâtrent,

Assaillis par le doute

Qu’un jour, il ne les châtre !

 .

Aussi retors et laid,

Pervers et démoniaque

Qu’il soit, cet écervelé

Sanguinaire maniaque,

Guetteur de consciences

En quête de coups à faire

Ou de viles expériences,

Glaçait déjà ses chairs.

*      *      *      *

Elle pensait qu’à parler,

Elle finirait par trouver

Malgré ses tares décelées

Et ses vices prouvés,

Nichée dans son regard

Trop plein de fatuité,

Une marque d’égard,

Un peu d’humanité…

 .

Entrée dans une salle,

Au plafond invisible,

Vaste ciel abyssal

Aux étoiles impassibles,

La chaleur d’un feu

De cheminée, alors

Allumé pour eux deux,

S’empara de son corps.

 .

Dans ce décor baroque,

Trop kitch pour toucher,

Solide comme un roc,

Il y avait une psyché

À la matière étrange,

Aux reflets ondoyants,

Pareils à des franges

Sur un verre rougeoyant.

.

Quel palais incroyable !

Des lambris somptueux,

Des mets sur des tables,

Des vins très voluptueux,

Et, parmi le chatoiement

De vêtements jetés épars,

Un diadème de diamants

Veillait qu’elle s’en pare.

 .

Sans aucune rancune,

Elle attendrait minuit

Qu’avec la pleine lune,

Au comble de l’ennui,

Chahuté par ses peurs

De vierge délaissée,

Il traverse sur l’heure

La glace sans la casser.

 .

Au moment fatidique

De ce douzième coup,

Se sachant magnifique,

Elle sentit tout à coup,

Bien au-delà du Mal,

Qu’il saurait l’admirer

Si elle s’offrait, fatale

Et nue, sa robe retirée.

.

Chose faite, déroutante

Elle exhibait à dessein

Ses formes aguichantes.

Une main sur son sein,

Et l’autre sur son sexe,

Ses cheveux avec passion

Dénoués sans complexe,

Elle vibrait d’émotions.

*      *      *      *

C’est alors que du sang,

Sorti de ses entrailles,

Beau présent jaillissant,

S’écoula,vaille que vaille,

Sur ses jambes graciles,

Pour la première fois.

Dès lors, femme nubile

Devenue, elle avait foi.

 .

Féconde et consentante,

Elle patientait au loin,

Quand elle vit, vacillante,

Le miroir en un point

S’entrouvrir brusquement.

Béant, il livrait un passage

À Satan, roi des tourments

Assaillant à tout âge…

*      *      *      *

Avec ses pieds fendus

Et sa hampe dressée !

Avec son poitrail velu

Et sa haine professée !

Avec son esprit cynique

Que nul n’aurait cerné !

Repoussant et sardonique,

Il était la disgrâce incarnée.

 .

Les murs tremblaient…

Face à ses yeux de braise,

Ensorcelée d’emblée,

Le cœur trop mal à l’aise ;

Face à cette bête immonde

Aux crimes impunis, sentant

La vanité de hurler à la ronde,

Elle s’évanouit à temps.

*      *      *      *

Une voix caverneuse,

Profonde et envoûtante,

Gagnait son âme radieuse

Tandis qu’en proie latente,

Elle se laissait surprendre.

Sans pouvoir l’expliquer,

Ne voulant plus attendre,

Elle piaffait d’abdiquer.

 .

Voilà pourquoi elle ouvrit

Ses beaux yeux en amande,

Abandonnée au seul mépris

D’un Lucifer aux commandes.

Entre ses cornes pointues

Coincée, l’air tout apeuré,

Plaquée contre le sol nu,

Elle faillit en pleurer…

 .

Devant tant de laideurs,

De pouvoirs arbitraires,

Elle eut un recul d’horreur,

Dégoûtée à l’idée de lui plaire.

Mais, soudainement, à le voir

S’émerveiller à tant de beautés

Exposées, sublime faire-valoir,

Elle n’eut plus peur de fauter.

.

Malgré ses hésitations,

Elle devinait, caché dans

Cet être en perdition,

Un émoi transcendant

Nos sottes empathies,

Nos niaises tendresses,

Preuve de ressentis

D’une âme pécheresse.

*      *      *      *

Aurait-elle le pouvoir,

Par ses grâces de vierge,

Qu’il veuille enfin savoir

Comment, sur les berges

De l’amour, être autre ?

Hésitante et tremblante,

L’imaginant des nôtres,

Elle sourit dans l’attente.

.

Ses yeux pleins de larmes,

Ses lèvres rosies tentantes,

Son minois plein de charme,

Elle ouvrit des bras d’amante.

Et, à le voir admirer son aura,

Sûre d’un prince qui s’étonne,

Effrontément, elle murmura :

« Prenez-moi, je me donne.»

.

fichier pdf P 162 – La pucelle et le Diable

Poème écrit par Philippe Parrot

Commencé le samedi 5 mars 2016

Et terminé le mardi 8 mars 2016.

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