Visage allongé et légèrement incliné, teint abricot, sourcils arqués, yeux en amande, noirs et profonds, nez long et fin, bouche pincée et colorée, on reconnaît d’emblée dans ce « Nu assis à la chemise » (1917) la patte du peintre Amedeo Modigliani (1884/1920).

Assise sur une chaise, cachant son corps nu sous une chemise qu’elle retient en un geste plein de pudeur, cette jeune femme trahit par son attitude une touchante réserve. À fixer le peintre intensément — son regard protégé par un aplat qui rend ses pensées impénétrables — elle met à nu une immense mélancolie poussant à croire qu’elle est totalement déconnectée du quotidien, plongée dans un monde situé hors du Temps.

Cependant, derrière l’élégance de la posture comme la grâce des traits qui donnent tant de charme au modèle, derrière ces yeux langoureux tournés sur eux-mêmes qui laissent entrevoir une insondable intériorité, Modigliani cherche surtout à dévoiler la vulnérabilité de ses personnages. En fait, cette fragilité, caractéristique de l’œuvre de Modigliani, résulte de l’approche sculpturale qu’il fait des visages, très étirés, très stylisés, fortement influencé qu’il est par l’art du masque africain.

Philippe Parrot

La Dame aux yeux noirsAmadeo Modigliani (1884-1920) – Nu assis à la chemise, 1917

*      *      *      *

Poème 201 : La Dame-Aux-Yeux-Noirs

.

Si un soir, par hasard,

Au début de l’automne,

Alors qu’il se fait tard

Et que l’orage tonne,

.

D’un air altier tu toises

La Dame-Aux-Yeux-Noirs

Tandis qu’elle te croise,

Pourquoi de haut la voir ?

.

Cette étrange Femme,

Soigne les blessures,

Enfouies dans les âmes

Des hommes immatures.

*      *      *      *

Auréolée des lueurs

Du soleil au coucher,

Elle éclaire leur cœur

Sans les effaroucher.

.

Quitte ton air arrogant !

Suis ses pas, rejoins-La !

Son port chasse, élégant,

Le désarroi des êtres las.

*      *      *      *

Heureuse, chaque matin,

De leur montrer leur voie,

Elle seule éclaire demain,

Elle seule dispense la joie.

.

Avant qu’Elle ne s’en aille,

En quête d’autres Mondes,

Prends-La vite par la taille

Et glisse-toi dans sa ronde !

*      *      *      *

Car, sache-le, elle emmène

Les Élus regarder les Cieux,

Veillant à demeurer amène,

Même envers les plus vieux.

.

Alors, apprécie son aura !

Même si, vouée à l’amour

Simple, sans nul apparat,

La foule bannit en retour :

.

Sa chair magnifique,

Son esprit partageur,

Son allant drolatique,

Son sourire ravageur,

.

Sûre qu’elle est d’Ailleurs.

D’autant qu’avec sa veine,

Elle conduit à toute heure

Là où meurent nos haines.

*      *      *      *

À voyager sans bagages,

Tu partageras avec Elle,

Jours et nuits son otage,

Tant d’ivresses irréelles.

.

Et si tu veux savoir comment

Elle s’appelle, Elle t’avouera…

Vouloir répondre uniquement

Au mot susurré dans les draps.

.

Sorti de ta bouche, au milieu

De vifs ébats, « Madousse »,

Tu la nommas. Son radieux,

Il éclaira toute sa frimousse.

.

Alors, pour l’honorer, dans

Le silence, loin des plaintes,

Tu la baptiseras, l’entendant

Chantonner une complainte.

*      *      *      *

À se refuser à posséder,

Elle déposera à tes pieds

Tous ses dons, persuadée

Qu’ainsi vous serez liés…

.

Mais lorsque tu tenteras

D’avouer qu’à une autre

T’es marié, elle t’invitera

À vivre comme un apôtre.

.

Tu t’étonneras de son choix

Poussant à toujours vouloir

Aimer maints êtres à la fois,

Sans jamais les laisser choir.

*      *      *      *

À la voir magnanime,

Tu voudras alors l’été

Aller jusqu’aux cimes,

Toujours à ses côtés…

.

Enivré par son parfum,

Yeux clos tu éprouveras

Un tel plaisir qu’à la fin,

Éperdu, tu t’épancheras.

.

Transfiguré par ses mots,

Comblé par sa personne,

Tu oublieras vite tes maux

Tant sa sagesse rayonne…

.

Serait-Elle une Sainte,

Descendue sur la Terre

Pour, par ses étreintes,

Te dégager de tes fers ?

*      *      *      *

Hélas, à souvent blesser

Par ses paroles sagaces,

Les niais l’ont délaissée,

Aigris et dans l’impasse.

.

Elle poursuit son chemin

Cependant, voulant croire

Que les enfants de demain

Sauront aimer sans avoir.

.

Reste que toi, tu l’envies,

Ému de sentir ses chants

Embellir ta routinière vie

De leur rythme touchant.

.

Suave baume, elle guérit

Tes vives plaies cachées,

Assassine ta raison et rit

À te voir enfin te lâcher…

*      *      *      *

Tu sais… Ton vrai bonheur

Est d’être où Elle s’installe,

Ne serait-ce qu’une heure,

Pour ouvrir sa vieille malle

.

Où Elle dissimule ses rêves

Dans les profonds abysses

De sa belle âme, sans trêve

Nue, pure comme un lys…

.

Alors, penche-toi et pose

Tes doigts au petit matin

Sur ses pâles seins et ose

Confier adorer leur teint !

.

Tu devineras à percevoir

Son trouble que ta moitié

Elle est ! Si parfait miroir

Que tu ne pourras le nier.

.

Stupéfait par sa candeur,

Envoûté par son charme,

Tu n’auras plus de peurs,

Encore moins de larmes.

.

À l’aube d’un tel jour, fier

De t’engager par serment,

Tu jureras, en une prière,

De demeurer son amant.

.

Et dans l’union de vos corps,

Vous vivrez maintes extases,

Dispensés par vos liens forts

De toute preuve ou phrases !

.

fichier pdfP 201 – La Dame-aux-yeux-noirs

Poème écrit par Philippe Parrot

Commencé le vendredi 26 août 2016

 Terminé le dimanche 28 août 2016

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