À l’image d’Ulrich, personnage-clé du roman « L’homme sans qualités » de Robert Musil, certains individus ne parviennent jamais à trouver un sens à leur vie comme au monde. Non qu’ils soient dépourvus d’esprit ou de sensibilité : bien au contraire, leur raison et leur cœur les mènent ! Non seulement à trop prendre de recul par rapport à la réalité, ils deviennent indifférents à tout mais aussi à trop pâtir de leurs émotions, ils finissent par tuer le moindre de leurs élans de peur qu’il ne les détruise.
Ainsi, à ne plus rien trahir de leurs pensées comme de leurs sentiments, deviennent-ils des passe-murailles auxquels personne ne prête attention, des quidams qui traversent l’existence sans qu’on les voit. Êtres pourvus d’un excès de qualités, ils s’étiolent dans l’indifférence générale, se conduisant pour survivre comme s’ils n’en possédaient aucune.
Tel est le destin de tous les « Nemo » !
Philippe Parrot
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Poème 283 : L’homme sans qualités
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L’homme impavide, sans qualités,
Perdu dans ses vains rêves diurnes
Et ses infécondes visions nocturnes,
Sent ses chairs par le Diable habitées.
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Apatride blessé, par trop de démons hanté,
Il erre dans l’existence, des cales au pont,
D’un trois-mâts en partance… Au fond,
Par trop de brûlantes passions agité !
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Au cours de ses obscures dérives
Le long de glauques et puants quais
Où sa déraison soudain libérée l’effraie,
Il cherche de charnelles et fiévreuses rives :
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Une anse inconnue auprès de hanches
Inexplorées ! Un port accueillant, pareil
À un ventre de femme ! Une ancre au soleil
Jetée parmi ses menstrues qui s’épanchent !
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Oui !
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L’homme impavide, sans qualités,
Perdu dans ses vains rêves diurnes
Et ses infécondes visions nocturnes,
Sent ses chairs par le Diable habitées.
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Commandant d’un vaisseau-fantôme,
Insomniaque de trop de nuits inquiètes,
Vigie apeuré à son poste, tel une mauviette,
Il ferme ses deux yeux entourés d’hématomes.
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À chasser les putains de portuaires cités,
Sur l’océan démonté, de ses hautes vagues
De désirs, las de son navire jeteur de dragues,
Il souhaiterait un beau soir toucher terre, invité :
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Dans le havre hospitalier d’une belle femme !
Dans ses entrailles de naïade, aussi profondes
Et chaudes que les flots ! Happé par ces ondes,
Il s’abîmerait dans des abysses, ô marine dame.
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Hélas !
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L’homme impavide, sans qualités,
Perdu dans ses vains rêves diurnes
Et ses infécondes visions nocturnes,
Sent ses chairs par le Diable habitées.
.
À piéger dans le creux de son âme déferlante
Des fragrances de corps, de chairs et de sexes,
Trempés, humides et moites, conspué, à l’index,
Il a fini par les immerger dans des mers violentes.
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Achab obstiné, à poursuivre sa baleine blanche
Au milieu des tempêtes, il rêve d’îles sans voleur
Où s’adonneraient à la paresse des femmes-fleurs,
Aux corolles dédiées à des amours vives et franches.
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Au fil de ses voyages en songes sur des jonques,
D’avoir séquestré, en cabine, la sirène qu’il aimait,
À la voir dépérir, privée de ses fonds bleus désormais,
Il l’a, une nuit, étranglée, sans le faire savoir à quiconque.
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Poème écrit par Philippe Parrot
Entre le 5 et le 6 août 2017
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