Fuyant famines et guerres, ils avaient tous quitté — son père, sa mère, son frère et ses deux sœurs — leur pays d’Afrique, voyageant pendant des semaines pour atteindre la Libye. Là, des passeurs les avaient entassés dans des bateaux de fortune afin de traverser la Méditerranée. Direction : l’Italie, puis la France, leur rêve… Hélas, leur embarcation avait sombré et les secours, arrivés trop tard, n’avaient pu sauver que sa mère et lui…
Aujourd’hui, après un invraisemblable et périlleux périple, ils étaient arrivés en France où, pourvus d’un permis de séjour temporaire, ils vivaient à Paris d’expédients et d’assistances, redoutant — véritable épée de Damoclès ! — d’être bientôt expulsés, contraints de retourner dans une région du monde où régnait le chaos…
Philippe Parrot
Photo libre de droit trouvée sur Pixabay.com (auteur : Wendy Corniquet)
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Poème 319 : L’enfant noir
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Il l’observe, muet, l’esprit bien trop anxieux,
Préparer leur repas, songeant au lendemain
Où elle ira quémander à un sbire sourcilleux,
Agent à « Pôle Emploi », un travail. En vain !
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Migrante, veuve, logée dans un hôtel minable,
Par les Services Sociaux, loin dans la banlieue,
Il pense au périple de sa mère, guère enviable,
Qui la mena des savanes de l’Afrique à ce lieu.
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Bien qu’il soit un gamin, Chaka devine qu’il est
L’unique espoir et souci de cette femme effacée
Qui accepte d’habiter dans des coins tous laids.
Il implore les dieux de vite cesser de la blesser.
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Par l’angoisse vaincu, source de cauchemars,
Désireux d’oublier leur galère, il s’allonge sur
Leur lit, prêt en songes à larguer les amarres.
Les yeux ailleurs, il fixe le néant, face au mur.
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Dans la promiscuité ambiante et l’air insalubre
De la chambre sans fenêtres, il se prend à rêver
À un ciel serein qui chasserait sa mine lugubre
Et ferait sourire sa maman, venue à son chevet.
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Il distingue sa respiration profonde, pareille aux
Chants funèbres. Son haleine est fétide, révélant
Combien son corps souffre, en silence, de maux.
Il la sent vieillir, tant brisée, sans foi et sans élan.
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Alors, déferle en lui, par flot, une sourde colère,
Vague déferlante qui pourrait soudain le noyer,
À l’amener à haïr ce sort de damnés et de hères,
Ballottés au gré d’une vie qui les oblige à ployer.
Faut-il vivre de la sorte, oubliés par les siens ?
Cette quête perpétuelle de toits et de mangers
Engendre tant de pleurs à songer aux Anciens
Qu’il souhaiterait remonter le Passé, d’un jet…
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Au brusque jaillissement d’une chaude vision :
Ressusciter son père pour qu’il puisse les aider,
Il imagine sa mère rassurée, trop brève illusion,
Hélas sûr qu’au matin, son destin sera de céder.
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Poème écrit par Philippe Parrot
Entre le 21 et le 22 février 2018
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