Tapie dans un abysse, confortablement allongée sur un banc de sable, elle devinait qu’à la surface de la mer, c’était la tempête.
Aux vibrations qui lui parvenaient, aux échos qu’elle distinguait, elle pressentait qu’un navire se battait contre les flots pour éviter le naufrage. Mais, quand elle entendit les mâts craquer sous la violence des vents et s’effondrer… la coque travailler de partout avant d’éclater sous la pression des vagues, elle sut que le galion sombrait et, avec lui, tous les marins. Alors, elle quitta son royaume et partit à leur rencontre pour leur offrir à l’instant de l’agonie — lorsque l’eau submergerait leurs poumons — l’ultime vision d’une femme les prenant dans ses bras, avec fougue et sensualité, juste avant le Grand Sommeil…
Puis, ces preuves d’amour à peine données, un à un, elle les dévorerait afin de s’emparer de leurs forces et de leur énergie, de leurs souvenirs et de leur mémoire, de leurs vécus et de leur singularité, bref de leur âme comme de leur être, ravie de revivre ensuite, au gré de ses rêveries et de par son étrange pouvoir, l’existence de chacun d’entre eux, dans la solitude des fonds marins.
Philippe Parrot
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Pirates des Caraïbes 4 - Le chant des Sirènes
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Poème 335 : La sirène et les marins
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Un crabe au fond des mers,
Peuplées de monstres amers,
Près d’un banc de coraux, turbule
Tandis qu’avec ses tentacules
Une pieuvre emprisonne
La vigie anglo-saxonne
D’un galion espagnol,
Mené par un guignol.
.
Victime d’un odieux maléfice,
À couler dans un noir abysse,
La figure de proue du navire
Vit ce que serait son avenir…
Quant aux marins disparus,
Effrayés par mille morues,
Ils officialisèrent leur sort
D’êtres voués à la mort…
* * * *
Poussée par des ondes,
Une sirène vagabonde,
Entourée de murènes,
Resplendissante reine,
Vint tout près des corps
Danser, mirifique décor,
Ondoyant entre deux eaux
Comme, au vent, des roseaux.
.
Dans ce vaste lit de ténèbres,
En savante férue d’algèbre,
Elle comptait les parfums,
Exhausteurs de leur faim,
De leurs amantes d’antan,
Aux charmes envoûtants…
Lesquels, dans les courants,
Faisaient bander les mourants.
* * * *
Dans quelque terre aride, là-bas,
Dans quelque lointaine casbah,
Dis, combien attendront-elles,
Malheureuses d’être si fidèles,
Lanterne bien en main, au seuil
De leur maison, lasses du deuil,
Dans la pénombre, ces revenants,
Envahies de désirs bouillonnants ?
.
Au rappel de leurs voluptueux baisers,
À l’évocation de leurs étreintes osées,
Leur peau tout entière frissonnera,
Leur cœur trop saigné se serrera,
Tandis que s’écoulera le Temps
Qui tue les souvenirs éclatants,
Tandis que fuiront ces heures
Qui emportent leur bonheur.
* * * *
Alors ! En leur mémoire, dans le noir,
Elle viendra plaquer son buste ivoire
Contre leur poitrine et les prendre
Une dernière fois, sans attendre,
Dans ses bras, pour réchauffer
Leur âme soudain assoiffée,
Dans le silence de la mer,
D’une étreinte de mère.
.
Alors ! Pour leur gloire, s’affairant
Afin que ces mâles hier endurants
Demeurent à jamais immortels,
En un étrange rite sacramentel,
Elle dévorera chacun au milieu
Des flots, ravie qu’en ces lieux
Subsiste toujours, en son sein,
Ce qui trahit, en eux, le Divin.
.
Alors, dans le dédale de vos rêves,
Où défilent mer, vagues et grève,
Dans les langueurs de vos nuits
Où surgit votre passé sans bruit,
Sachez fêter cette Femme-Poisson,
Dévoreuse de héros, avec compassion
Transportés dans son Paradis Aquatique
Aux ressources et mystères emblématiques !
.
P 335 – La sirène et les marins
Poème écrit par Philippe Parrot
Entre le 14 et le 15 juin 2018.
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