Cela avait été, jadis, le vœu de sa grand-mère sur son lit de mort. Que les objets contenus dans son secrétaire Louis XVI soient transmis à sa petite-fille le jour de sa majorité, sa mère lui remettant la clef de l’abattant qu’elle-même, pour d’obscures raisons, n’avait jamais voulu ouvrir… Une aussi grande réserve avait toujours intrigué Fanny qui avait hâte de découvrir quels secrets il pouvait bien cacher.
C’est ainsi que le jour dit, avec beaucoup d’émotions — les souvenirs de Marthe, sa grand-mère ne cessant de la hanter — elle avait eu accès aux nombreux tiroirs qui ne contenaient, en fait, que des babioles sans importance. Jusqu’au moment où, glissant sa main à l’intérieur de l’un d’entre eux pour extirper une boite, elle sentit une encoche… Elle appuya dessus, entendit un déclic pareil au mécanisme d’une serrure qu’on libère, frémit et, le cœur battant, se convainquit d’avoir trouvé là ce qu’elle cherchait…
Elle dégagea le compartiment et distingua à l’intérieur du secrétaire un double-fond. Précipitamment, elle l’ouvrit..
Philippe Parrot
Le fameux secrétaire Louis XVI !
* * * *
Poème 347 : Le tiroir du secrétaire
.
Ô grand-mère morte
En gardant ton secret
Dans le double-fond,
Étroit, d’un des tiroirs
De ton haut secrétaire,
À l’abattant à clé fermé,
Toujours à double tour,
À la gamine que j’étais…
.
Pareil à un caveau glaçant
Où reposeraient, là, les restes
De vos deux corps de possédés,
À l’abri de ma juvénile curiosité,
Prête à violer, rieuse, ce sanctuaire
Parsemé de preuves bouleversantes !
Là, des lettres brûlantes, de sa main
Écrites, à toi seule toutes réservées ;
Ici, dans maints pièges argentiques,
Vous, sur le papier glacé de clichés !
* * * *
Ainsi, fallait-il donc que tu mourus
Pour que j’accédasse enfin, femme
Devenue, à ces précieuses reliques
De ce qui fut à l’évidence l’histoire
Étouffée d’une ardente passion…
Une kyrielle de souvenirs chéris,
Qui, ancrés au fond de tes chairs,
Sans fin, durent hanter ton esprit !
.
Face à ces témoignages,
Marques à nos mémoires
De tes premiers transports,
Alors jeune adolescente éprise,
Dans le silence, religieux, du salon,
J’ai fermé les yeux, subitement émue
Par vos élans qu’en moi, j’enviais,
Si désireuse de les faire revivre,
L’espace d’un instant, touchée
Par la force de leur hardiesse.
* * * *
À percer, après ton décès,
Ainsi des pans de ton passé,
Folles pages de ton existence,
J’ai tenté, en images, de redonner
Vie à ta jeunesse et tes mœurs rebelles,
M’égarant, tremblante, dans le labyrinthe
De votre incandescente liaison, hélas oubliée.
Troublée par le courage d’une telle idylle,
Tant d’années ignorée, source de joies,
D’ivresses et d’audaces qu’à te voir
Je n’aurais aucunement imaginé !
Décidée cependant par respect,
Enfoui si longtemps dans ton
Cœur, à tes yeux inviolable,
De ne point le révéler : ce
Poignant amour caché !
.
Du coup, cette clé que je garde
À mon cou, fermoir de ton destin,
Au premier soir de l’hiver prochain
Je la jetterai au feu, pour qu’elle
Fonde dans les vives flammes
Du brasier ! Et, apaisée, dans
Les froidures de décembre,
Ne voulant plus profaner
Vos ardeurs d’autrefois
Et mettre à mal tes choix,
Je laisserai dormir, à jamais,
Dans ce meuble, ton âme et la sienne,
Lorsque, ivres de vos mots et de vos actes,
Vous étiez de flamboyants amants…
.
P 347 – Le tiroir du secrétaire
Poème écrit par Philippe Parrot
Entre le 4 et le 6 septembre 2018.
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