Le corbillard roulait à faible allure pour permettre à chacun de se recueillir quelques instants au passage de celle qui fut si longtemps la confidente et la maîtresse des hommes de la ville, qu’ils soient père, époux ou frère. Aucun véhicule ne suivait néanmoins le convoi en direction du cimetière bien qu’elle ait été, durant des décennies, au cœur de toutes les conversations, tantôt condamnée, tantôt adulée.
Quels que soient les sentiments que chacun avait pu nourrir à son égard — allant parfois jusqu’à la haine — elle seule avait su, en effet, par son charme et son intelligence, par ses gestes et ses paroles, apaiser ceux qui lui rendaient visite, tous trouvant auprès d’elle un ensorcelant exutoire à leurs angoisses et frustrations.
Pourtant — par lâcheté sans nul doute — à l’instant d’être inhumée, aucun de ces messieurs n’eut le courage d’afficher, en l’accompagnant à sa dernière demeure, combien il lui était, à jamais, redevable…
Philippe Parrot
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Poème 349 : L’hétaïre
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Dans les métamorphoses
De son corps qu’on dépose,
Au fond d’un froid tombeau,
Et bientôt en puants lambeaux,
Gît, vêtue d’une robe noire en soie,
Une hétaïre qui fut jadis, ma foi,
Panseuse d’hommes esseulés,
Par trop de peurs écartelés…
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Entourée par des cyprès,
À s’ennuyer dans l’Après,
Elle qui dansait sur scène,
Sans la jouer trop obscène
Dès lors qu’elle s’offrait nue
Devant un parterre d’inconnus,
Dieu qu’elle avait adoré les voir dévorés
Par un feu intérieur, toutes retenues ignorées !
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Nul ne verra plus, déposées sur ses seins,
Ces paillettes colorées, troubles à dessein,
Qui magnifiaient sa poitrine. Étincelantes,
Elles transformaient leur dureté désolante
En passions débordantes comme leur hiver
Miteux en printemps, leurs sens à l’envers.
Sa mort, à briser leurs désirs et leurs rêves,
Les laisse amers… et condamnés sans trêve.
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À voir s’effondrer subitement leur espoir
D’amours et d’échappées, comment croire
Qu’en cet ici bâti sur un tas de décombres,
Ils puissent dénicher, ravie de fuir l’ombre,
Une Vénus prête, à la manière de leur idole,
À livrer avec hardiesse, dans une farandole,
Son être à leur regard, ensuite à leurs mains,
Mâles perdus qui ne croient plus en demain.
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Dans quelle suite d’un palace céleste,
Érigé non loin de la Voie Lactée, leste,
Voudra-t-elle, les jambes dans le vide,
Les yeux fixés vers les astres, impavide
Et désœuvrée, adossée à l’Espace infini,
Leur construire une passerelle, en catimini ?
À voir leurs prières jusqu’alors demeurées vaines,
Reste la poésie pour attendrir cette inaccessible reine !
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Poème écrit par Philippe Parrot
Entre le 18 et le 20 septembre 2018.
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