Aujourd’hui, les chevaux sont abattus soit pour des raisons économico-financières, leur propriétaire n’ayant plus les moyens de les entretenir ou jugeant qu’ils ne rapportent pas assez sur les champs de course, soit pour des raisons médicales justifiées par le désir d’abréger leurs douleurs, du fait d’une maladie ou d’une fracture.
En France, depuis 1974, la technique de mise à mort est la suivante : l’animal est enfermé dans une cage métallique qui ne libère que la tête. À l’aide d’un pistolet d’abattage, plaqué contre son crâne, entre les deux oreilles, il reçoit alors une tige perforante dans le cerveau censée « l’étourdir » afin qu’il soit inconscient à l’instant d’être tué. Les bêtes ainsi « assommées », mais toujours vivantes, sont ensuite accrochées à une chaîne où, suspendues par un membre postérieur, tête en bas, elles sont vidées de leur sang par une saignée exécutée en leur sectionnant la veine jugulaire ou la carotide. Hélas, comme l’ont révélé de nombreuses caméras cachées dans ces abattoirs, il apparaît clairement que certains équidés reprennent conscience avant leur mise à mort, éprouvant de très grandes souffrances liées tout autant au mode de suspension de leur corps qu’à la technique de tuerie…
C’est suite à la suggestion d’une personne sur Twitter, très impliquée dans la défense des animaux, que j’ai souhaité, au travers du poème ci-dessous écrit à la manière d’une fable, dénoncer les sévices imposés à ces « animaux de compagnie » avant qu’ils ne finissent en steak dans certaines assiettes…
Philippe Parrot
Avertissement 1 : Si vous cliquez sur la photo, le lien vous conduira à la vidéo présentée par l’association L214. « Les images proviennent de l’abattoir de Pézenas (dans l’Hérault). Elles ont été tournées entre novembre 2015 et mai 2016. Elles montrent l’abattage des chevaux ».
Soumis à une limite d’âge, conformément à la réglementation de YouTube, le reportage ne devrait pouvoir être vu que par des internautes de plus de 18 ans. Néanmoins, compte tenu de l’insondable cruauté des scènes, son visionnage est absolument déconseillé aux adultes trop sensibles.
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Poème 355 : Moustic
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En ville, tous m’appelaient Moustic.
J’étais un percheron sage et athlétique
Et vos enfants m’aimaient, me trouvant
Magnifique. À chaque arrêt, s’approchant
De l’attelage, ils riaient à tapoter ma croupe,
À caresser ma crinière, pareille à une houppe…
.
Ainsi, ma vie s’est écoulée, mon maître à le servir,
Harnaché en plein cagnard jusqu’à presque défaillir,
Jusqu’à ce matin d’août où, vil et excédé, il me mit au rebut.
« Pourquoi nulle gratitude envers un compagnon, même fourbu ? »
* * * *
Exécutant docile, bien qu’il n’eut jamais
À trop me houspiller, entre guillemets,
Pour me faire avancer sur l’avenue,
Dans le flux des voitures soutenu,
Je sentais qu’il aurait bien aimé
Mais, de crainte d’être blâmé,
Qu’il se retenait… Je n’étais
À ses yeux, au fil des étés,
Qu’un esclave à sa botte,
N’ayant guère la cote…
.
Dieu que j’ai transpiré,
Pendant des ans à tirer,
— Sans jamais rechigner
À mes devoirs assignés —
Son antédiluvienne carriole
Bourrée d’un tas de guignols :
Des touristes ! Ils quadrillaient
La ville sans nullement s’ennuyer,
Sans remuer d’un poil leur gros cul,
Soucieux de saturer d’émois leur vécu.
.
Smartphone, dernier cri, bien en main,
À mitrailler, gouailleurs, le long du chemin
Tout et n’importe quoi, sans chercher à connaître
Ces lieux façonnés par l’Histoire qui les fit jadis naître,
Ignares patentés, dans leur tenue vulgaire et provocante,
Offense au code vestimentaire de la culture ambiante,
Adeptes du moindre effort, assis sur les banquettes,
À s’imaginer leurs vacances devoir être une Fête
Où les dollars sont rois, ils ne songeaient qu’à
Jouir, indifférents aux bêtes dans mon cas.
.
Voilà pourquoi aucun d’eux ne s’inquiétait
Que je parcours les boulevards, exploité
Durement, de l’aube jusqu’au soir,
Sans nul repos près du square,
Sous un brûlant soleil d’enfer,
Au seul rythme de mes fers,
Sans brouter de fourrage.
Quels épuisants voyages,
À rêver parfois de galops
Et aussi d’un peu d’eau !
.
À rigoler et boire, à ne voir
Se succéder de leur perchoir
Que façades et balcons, et gens
Trop vite classés guère engageants,
Faute leur singulier et attachant passé
De vouloir le connaître, hélas trop pressés,
Comment, une seule seconde, auraient-ils pu,
Pusillanimes et rieurs, et d’eux-mêmes trop imbus,
S’apitoyer sur moi ? Même pas ce dimanche où, épuisé,
Je me suis affalé sur l’asphalte, par l’âge et l’effort trop usé !
.
C’est alors qu’au milieu des badauds qui m’observaient à terre,
Autour de moi pour prendre un selfie en se donnant des airs,
J’ai d’emblée discerné à ta colère de cocher qui, sans cesse,
Tirait sur la bride de mon harnais avec tant de rudesse
Que — si je ne me bougeais pas — tu en viendrais vite
À me fouetter. D’instinct, en un sursaut, de suite,
Je me suis relevé avant que tu ne me cravaches,
Pressentant cependant qu’à faillir à ma tâche
Comme je l’avais fait, dans ton for intérieur,
Mon sort était scellé, à ton regard tueur…
* * * *
En ville, tous m’appelaient Moustic.
J’étais un percheron sage et athlétique
Et vos enfants m’aimaient, me trouvant
Magnifique. À chaque arrêt, s’approchant
De l’attelage, ils riaient à tapoter ma croupe,
À caresser ma crinière, pareille à une houppe…
.
Ainsi, ma vie s’est écoulée, mon maître à le servir,
Harnaché en plein cagnard jusqu’à presque défaillir,
Jusqu’à ce matin d’août où, vil et excédé, il me mit au rebut.
« Pourquoi nulle gratitude envers un compagnon, même fourbu ? »
* * * *
Au terme d’un âpre périple sans boire ni manger, secoué sans
Ménagement sur des routes sinueuses, en vain avançant
Ou reculant pour me soustraire au noir enfermement
D’un van sale et puant, bringuebalant constamment,
Plein d’effroi, à trop étouffer dans la canicule d’été
Faute d’ouvertures, à peine ai-je aperçu, hébété,
La lumière… qu’à coups d’aiguillons électriques,
Décharges puissantes qui m’allaient, véridique,
Jusqu’au cœur, ils m’ont mené vers des locaux
Qui empestaient la Mort, au relent de boyaux.
.
À entendre, par ailleurs, ces hennissements
Terribles que, nous autres, poussons seulement
Qu’en des situations extrêmes — quand la vie même
Est en jeu — j’ai réalisé dans l’instant mon cruel dilemme.
C’était l’Heure. D’autant que, transportée par le vent du Nord,
Parvenait à mes narines l’odeur ferreuse du sang, encore et encore.
Pour fuir ces brutes épaisses et ce lieu mortifère, j’ai eu beau me cabrer
Et ruer, ils m’ont tiré de force dans une cage où je savais devoir, là, sombrer.
Étroite à dessein, elle m’empêchait de bouger lorsque je vis un gars, en surplomb
Du piège, plaquer entre mes deux oreilles, malgré mes ruades, un objet maniable et long.
.
Soudain, dans une douleur aiguë, atroce et foudroyante, qui traversa mes chairs, concomitante
À un bruit sec et bref, dans mon crâne j’ai senti une chose s’enfoncer, pénétrante et percutante,
M’assommant à ce point qu’à chanceler sur mes jarrets, je me suis effondré. C’est alors qu’une
Trappe s’est ouverte… me faisant basculer, les quatre fers en l’air, au comble de l’infortune,
Au pied d’un homme en habit blanc couvert de taches rouges. Malgré mes mouvements,
Violents, il m’a empoigné une patte arrière pour l’attacher à une corde et brutalement
M’a treuillé, hissé si haut que mon corps lourd et massif pendait, m’occasionnant
Des souffrances indicibles, de ma croupe au sabot, tout mon poids s’exerçant
Sur un unique membre. À la violence de cette pratique barbare, j’ai repris
Connaissance, voyant s’écouler sur le sol des filets de sang jamais taris.
.
Têtes en bas, tous suspendus, à saigner mes semblables sur la chaîne d’abattage,
La veine jugulaire sectionnée d’un seul coup de poignard, en panique et en nage,
J’ai redressé le cou en quête d’un horizon moins triste. À vouloir échapper à mon
Fatal destin en m’agitant en tout sens, le tueur énervé a deviné, impassible démon,
Que j’observais la scène, lucide. Alors avant de m’achever, pour que je ne puisse plus
Rien voir, il m’a crevé les yeux avec une pointe enfoncée très profond, froid et résolu…
Plus tard, quand vint mon tour, me débattant encore vivement, d’un coup de tranchoir,
Il m’a coupé la carotide, libérant des flots rouges… Ainsi, avant de m’abîmer dans le noir,
Ai-je vécu les affres d’une lente ignominieuse agonie. Voilà donc notre avenir, à nous autres,
Vos « animaux de compagnie » ! Égorgés vivants, finir, hachés, dans vos plats, loin des nôtres !
* * * *
En ville, tous m’appelaient Moustic.
J’étais un percheron sage et athlétique
Et vos enfants m’aimaient, me trouvant
Magnifique. À chaque arrêt, s’approchant
De l’attelage, ils riaient à tapoter ma croupe,
À caresser ma crinière, pareille à une houppe…
.
Ainsi, ma vie s’est écoulée, mon maître à le servir,
Harnaché en plein cagnard jusqu’à presque défaillir,
Jusqu’à ce matin d’août où, vil et excédé, il me mit au rebut.
« Pourquoi nulle gratitude envers un compagnon, même fourbu ? »
.
Parce que…
.
Dans l’Histoire des hommes,
Égocentriques en somme,
Guerriers, rapaces,
Jamais sagaces,
Cette question
— Voyons ! —
.
Demeurera toujours
Sans aucune réponse…
Car, à devoir chaque jour
Lutter et trahir, ils renoncent
À bâtir avec leurs scélérates mains
Un monde nouveau, enfin plus humain.
.
Fable tragique écrite par Philippe Parrot
Entre le 27 octobre et le 2 novembre 2018
Avertissement 2 : L’extrême crudité du texte pourrait choquer des personnes très émotives. Sa lecture leur est donc vivement déconseillée. Néanmoins, si vous aimez ce poème, partagez l’article ! Vous contribuerez ainsi non seulement à la diffusion de mes mots mais aussi à la défense de la cause animale.
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