C’est en songeant à Claude Monet (1840/1926) qui peignit, entre 1892 et 1894, la Cathédrale de Rouen à des heures différentes de la journée que m’est venue l’idée d’imaginer, à partir de la photo d’Hassen Bouchakour et de Peyo face à la mer, un autre homme et un autre animal contemplant eux aussi l’océan, cette fois non pas au début d’une aube radieuse mais, au contraire, au beau milieu d’un ténébreux crépuscule.

Par chance, la photo idéale trouvée sur Pixabay.com, il ne me restait plus — tout en conservant la structure globale et la thématique centrale du texte initial : l’accompagnement de la mort — qu’à l’adapter à cet angle de vue différent, tant au niveau des personnages que du cadre.

Quelques heures de travail et le frère jumeau du poème 375 était né : un homme et un chien face à l’horizon marin, son père et son maître mourant !

Philippe Parrot

375 - Halte en bord de mer

Photo libre de droit trouvée sur Pixabay.com ( Auteur : brigittewitt2 )

*      *      *      *

Poème 376 : Halte en bord de mer de nuit

.

Le soleil se couche sur le vaste océan, aux

Reflets bruns mordorés, changeant

Sous les rayons ténus et rasants

De l’astre tout près de l’eau…

.

Au-dessus, dans le soir d’un automne envoûtant,

Le ciel, caché par le voile de nuages vaporeux,

Dispense au regard le lustre ténébreux

De son immensité hors du Temps.

.

Avant la ligne d’horizon, l’incertaine arête

D’une plage devinée, sombre d’aspect,

Souligne par ses contrastes la paix

Inhérente à ce lieu de retraite.

.

Entre chien et loup, à cette heure où le rythme des

Jours semble soudain suspendu, l’intemporel

Paysage, aux épaisses ténèbres solennelles,

Invite l’âme, atterrée par la Fin, à céder.

*      *      *      *

En ce coin d’outre-tombe où règne le silence

Troublé parfois par des cris de mouettes

Ou le bruit des vagues troubles-fêtes,

À s’enivrer d’iode, Vivre est dense.

.

À le savoir, ils sont là pour laisser loin d’eux,

Durant leur nocturne échappée, les images

D’un maître et d’un père, sans verbiage

Confronté au Voyage, aux Adieux.

*      *      *      *

Côte à côte, à éprouver la même peine infinie,

Le même désespoir, tous deux ressentent

Sans le dire à quel point est puissante

La sourde connivence qui les unit.

.

Seuls face à la beauté des lieux, à l’aise,

L’un droit et pensif, l’autre, à l’arrêt,

Les oreilles dressées, au plus près

D’un vent frais, ils s’apaisent.

.

Peut-être cherchent-ils de concert, par-delà

Leur chair à vif à exorciser ces poignants

Instants où, mieux que des soignants,

Ils accompagnent Celui qui s’en va.

.

Ravis de se ressourcer ! Car, à chaque visite

Où Gédéon apporte sa présence animale,

Marc son affection, au mourant en mal

De tendresse, jamais ils n’hésitent

.

À donner le meilleur d’eux-mêmes, caché

Dedans leur être… Prévenants, ils allient

Attentions et amour au pied de son lit,

Bel attachement en aucun cas cliché.

.

Ils sont ses Passeurs du Portail, dans une aimante

Posture. L’un par son mutisme parlant… l’autre

Par ses paroles, ils lui font emprunter entre

Les deux univers une route touchante.

*      *      *      *

Leurs yeux grand ouverts, le cœur en paix,

L’esprit lentement libéré de leurs émois,

L’homme et le kelpie s’oublient ma foi,

À l’égard des flots pleins de respect…

.

Laissons-les — à l’abri du vacarme de nos villes

Et du tohu-bohu de notre monde — retrouver

Dans leur corps, pendant ces mois éprouvé,

Des forces, à l’heure de son Départ utiles !

*      *      *      *

Puisqu’aussitôt leur mentor disparu,

Il leur faudra veiller à ne pas finir dans la rue.

.

fichier pdfP 376 - Halte en bord de mer de nuit

Poème écrit par Philippe Parrot

Le 27 mars 2019

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