Lettre imaginaire d’un Poilu : « Ma Matoune. En cette aube du 13 octobre 1916, sous une pluie glaçante qui traverse mon uniforme, las de geler sur place et de patauger dans la boue de la tranchée, à quelques centaines de mètres des positions « boches », je profite de la relève pour me réfugier dans notre casemate et t’écrire une courte lettre. Le capitaine a autorisé les hommes du bataillon à boire un verre d’alcool ce qui signifie — nous le savons tous ! — que l’assaut est imminent. Dans quelques heures, voire dans quelques minutes, baïonnette au canon, sous le feu nourri des mitrailleuses et le terrifiant sifflement des obus, nous courrons sur ce no man’s land recouvert de barbelés et défoncé par les cratères d’obus. La peur au ventre au milieu des gerbes de shrapnel…
Que de morts et de blessés, par tombereaux, si tu savais… Dis ! Une question me hante à voir chaque jour défiler cadavres et mutilés ? Si je rentrais vivant, mais… la gueule cassée, l’âme perdue, voudrais-tu toujours de moi ? M’aimerais-tu encore ? Me garderais-tu quand même ? Je n’ose trop imaginer ta réponse tant je pourrais concevoir qu’une telle épreuve soit au-dessus de tes forces et…
J’entends le caporal battre le rappel. C’est l’heure ! Je te quitte… Armand, ton mari tant t’aimant. (Tu sais, j’ai toujours au cou le médaillon avec ta photo…) »
Philippe Parrot
Anna Coleman Ladd, réparatrice des « gueules cassées », ces soldats défigurés durant la guerre 14/18
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Poème 378 : Gueule cassée, âme perdue…
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Lorsque nous nous reverrons,
Dans le tohu-bohu de la gare,
Auras-tu le sourire, fanfaron,
De l’aimée si jolie au regard ?
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Lorsque je te saoulerai de mots,
De baisers, à tous deux marcher
Dans la ville parmi les badauds,
Seras-tu encore tout écorchée ?
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Lorsque j’essaierai d’oublier la Guerre,
Avec ces milliers d’existences brisées,
Me pardonneras-tu, durant cet enfer,
Ton cœur éperdu de l’avoir épuisé ?
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Lorsque nos espérances renaîtront,
À renouer avec notre bel amour d’hier,
Oseras-tu un « Je t’aime » loin du Front,
En me prenant par la main ? De moi fière.
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Hélas, les combats demeurent sans
Qu’on parle de fin. Demain matin…
Nous irons à l’assaut. Bien du sang
Coulera pour conquérir leur fortin.
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Me hante une question ! Au cours de
Ce terrible combat, si je restais vivant
Mais la gueule cassée, homme hideux,
Voudrais-tu de moi ? Comme avant…
* * * *
Va ! Que je cesse de penser à ce jour
Où nous serons dans un lit douillet !
Dis ! Ton corps, à moi pour toujours
Ranimera-t-il mon âme endeuillée ?
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P 378 – Gueule cassée, âme perdue
Poème écrit par Philippe Parrot
Entre le 8 et le 10 avril 2019
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