Sœurs jumelles, elles ne s’étaient jamais séparées, ne concevant pas un seul instant de faire quoi que ce soit sans le soutien de l’autre. Aujourd’hui, elles s’étaient fixées un étrange challenge qu’elles jugeaient, elles-mêmes, hasardeux : contrôler les pensées d’un lutin !

Une nuit qu’il dormait d’un profond sommeil, elles avaient investi subrepticement son crâne, l’une par le nez, l’autre par l’oreille. Remontant par des voies naturelles, elles étaient parvenues dans la partie la plus obscure du cerveau, là où de prégnants souvenirs exerçaient leur tyrannie depuis trop longtemps, mettant le nabot à rude épreuve, assailli qu’il était par une kyrielle de fantômes. L’objectif était simple : tisser une toile arrimée à ses neurones afin de prendre au piège la moindre réminiscence qui chercherait à émerger et libérer ainsi le lutin d’un passé sur Terre trop lourd à porter !

Le plan avait tellement bien fonctionné qu’il avait fini par apprécier leur présence, même si la coexistence s’avérait — cela va de soi — douloureuse. Mais, retrouver son insouciance avant le Retour valait bien d’endurer quelques souffrances.

Philippe Parrot

387 - Deux araignées

Photo libre de droit trouvée sur Pixabay.com ( Auteur : LLanger )

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Poème 387 : Deux araignées

.

Dans les circonvolutions

De ses méninges dures,

Aux synapses flinguées,

Aux neurones bousillés,

— Besogneuses, au chaud

Sous son crâne dégarni

De farfadet cacochyme —

Deux araignées capturent

Dans les fils de leur toile

D’obsédantes images,

Vives réminiscences

De son cher Passé.

Elles prennent ainsi

Au piège de leurs rets

Son envie de se nourrir

Uniquement de chimères,

Liées aux moments forts d’une

Vie de lutin parvenue à son terme.

.

À demeurer stoïques,

Toujours en embuscade,

Les arachnides patientent…

Campées sur leurs pattes velues,

Elles ne comptent pas leurs heures

De guet, installées chaque soir

Au plus près de ses songes

Hantés par des fantômes

Tombés de l’escarcelle

D’un diable rigolard,

Au doigt de rebouteux.

Elles changent en appât

L’enchevêtrement délicat

De leurs dentelles de soie,

Secrétées, tissées et nouées

Avec une minutie extrême,

Au plus près des frontières

Des abysses de sa pensée.

.

Insensibles et opiniâtres,

Elles enserrent et étouffent

Dans maillages et cordages

De leur ouvrage compliqué

Les revenants d’une époque

Révolue, fieffés harceleurs.

Avec le courage et la force

De guerriers mercenaires

Là pour garder, fermées,

Les Portes des Ténèbres,

Elles jouent leur va-tout,

Par égard pour le djinn,

À s’efforcer de chasser

De sa tête son « hier ».

Bien étranges mygales,

Elles seules contribuent

À le libérer de ses « jadis »,

Trop lourds à ses épaules…

.

À œuvrer par décret,

Dans ce lieu sans terres

Où plastronnent les Idées,

Silencieuses dans leur coin,

Obstinées dans leur tâche,

En diaboliques auxiliaires

Dépourvues de scrupule,

Elles renforcent, au bal

Des Destins Achevés,

L’indéfectible lubie,

L’inflexible volonté,

De tout oublier, pris

Au jeu de ces tueuses.

Travail de sape nocturne,

Le gnome dans le lit y puise

Un reste de forces salvatrices

Qui l’aident tous les matins

À se lever, avec la rosée…

.

Ses rêves et ses désirs,

Ses délires et fantasmes,

Hérités d’autrefois quand

Il riait, chantait et œuvrait,

Jouisseur de toute chose,

Travailleur plein d’allant,

À les contrôler, d’un œil

Circonspect, impavides

Bestioles, as-tu compris

Que — toutes inhibitrices

Qu’elles soient de tes plus

Poignants souvenirs — elles

Servent ta cause, quand bien

Même d’une façon de butor ?

Elles apaisent ton être mieux

Qu’un de ces élixirs de sorcières,

Qui, à faire du bien aux corps, finit

Toujours par faire du mal aux âmes…

.

Dans ses entrailles, le feu

De la Passion, naguère

Dévorant, aujourd’hui

Par ce biais, contenu,

Perd en force. En l’en

Protégeant à très bien

Le maîtriser — ces deux

Emblématiques insectes,

Censeurs d’heure d’insomnie,

Le nain dans son antre les accepte,

Appréciant en silence leur stratagème.

À décider à sa place, en reines du ballet,

Elles le cantonnent au rôle de spectateur.

Il les maintient cependant à ce poste,

Trop heureux qu’elles manipulent

Ces personnages qui l’assaillent,

Convaincu qu’au soleil de l’aurore,

Ils disparaîtront d’un coup de magie.

.

Ainsi en est-il de ses nuits

Avant qu’il ne parte sans bruit !

.

fichier pdfP 387 – Deux araignées

Poème écrit par Philippe Parrot

Entre le 11 et le 14 juin 2019

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