« Remorques » est un long métrage réalisé par Jean Grémillon et sorti, en France, en novembre 1941. Les dialogues sont de Jacques Prévert. Le tournage du film, commencé en juillet 1939 à Brest et à Guissény (notamment la fameuse scène où Jean Gabin et Michèle Morgan se trouvent sur la plage du Vougot) est interrompu en septembre 1939, suite à l’entrée en guerre de la France et à la mobilisation. En avril 1940, il reprend, le temps d’une permission exceptionnelle accordée à Gabin et à Grémillon, avant d’être interrompu en juin 1940 avec l’Occupation. Pour ne pas tomber entre les mains des allemands, les bobines sont alors entreposées dans le Midi de la France. Récupérées quelques mois plus tard par Grémillon, le tournage se termine dans les studios de Boulogne durant le printemps et l’été 1941.
Synopsis : Capitaine du bateau de sauvetage « Le cyclone », André Laurent (Jean Gabin) est un homme taciturne qui ne vit que pour sauver les marins des navires en détresse. Marié à Yvonne (Madeleine Renaud) qui lui cache une grave maladie, il va un jour porter secours au cargo « Mirva ». Parmi les passagers, il y a Catherine (Michèle Morgan) dont il tombe amoureux. Devenus amants, André s’apprête à quitter sa femme quand elle meurt. Suite au drame, Catherine part, le laissant désemparé, privé brusquement des seules femmes qu’il avait aimées.
Philippe Parrot (source : Wikipédia)
Photo de Jean Gabin et de Michèle Morgan dans le film « Remorques » .
* * * *
Poème 428 : Les amants du Vougot
.
Face au Noroît, en
Ce début d’automne
Glaçant, voyez-les !
Sur une plage pas
Fréquentée où
De gros galets,
Épars et ronds,
Témoignent,
À leur manière
— Dans la grisaille
Ambiante,
Brumeuse
Et de saison,
Qui tranche
Avec le noir
Des vêtements
Qu’ils portent —
D’un Monde
« Lunaire »,
À la dérive,
Qui serait venu,
Là, s’échouer…
.
Captivés par
Un même point
À l’horizon,
Hors cadre
De la scène,
Qui échappera,
En conséquence,
À notre imaginaire,
— En aucun cas au leur,
Embelli par des projets,
Partagés seulement
Par eux deux,
En catimini —
Leur regard, deviné
Sous des paupières, mi-
Closes, se perd dans l’Infini.
Oh ! Touchants amoureux,
Qu’en est-il de cette aire,
Par-delà le front de mer,
Propice aux échappées,
Enveloppée de brouillard,
Que, sans cesse, vous fixez ?
* * * *
Leurs cheveux, agités par
Les vivifiantes bourrasques
Qui sifflent — en continu —
À leur oreille, bizarrement
On les dirait se confondre
En une unique chevelure,
Blonde, épaisse, léonine,
Qui ondoierait, semblable
Aux épis, dans un champ
De blés, mûrs, oscillant
Aux souffles de la brise.
Ah ! Comme je désirerais
Entrevoir à quel rythme,
Alerte ou non, palpite
Leur cœur, a priori
Follement épris !
Dans le silence de
La grève déserte,
Quels souhaits
Formulent-ils,
Dans les abysses
De leurs pensées ?
.
Malgré les vicissitudes
Inhérentes à leur vie,
Seraient-ils parvenus
— Lors de leur ballade
Sur cette côte bretonne
Où rien ne vibre, sinon
Leur chair frissonnante,
Où rien ne fuit, sinon
Le Temps assassin —
À discerner enfin, en-
Semble, à cet instant,
Combien ils n’ont plus
Besoin d’inutiles mots
Pour dire leur ressenti,
Compris immédiatement
Par le fait d’être « là », liés,
Au milieu de nulle part, loin
Des calomnies et médisances,
Narines emplies des odeurs
D’iode portées par le vent,
Au milieu des embruns,
Enivrantes fragrances !
.
C’est vrai qu’ils semblent
Métamorphosés à se griser
Des envoûtements de l’océan,
Invitations à maints voyages au
Long cours vers des îles ou criques
Où ils pourraient s’abandonner,
Havres de fols enlacements…
Tout contre la poitrine
De l’homme, douce,
Elle s’est plaquée,
Tandis qu’il a posé
Sa rassurante main
Sur son épaule. Dans
Cet austère endroit,
Sous le ciel plombé,
Irradiés par les rais
Du soleil intérieur qui
Dévore leurs entrailles,
Ils ne pâtissent aucunement
Du tumultueux accueil de la baie,
Délaissée même par les marins, où les
Déferlantes se brisent sans effrayer personne.
.
À les surprendre ainsi
Échapper aux sarcasmes
Des bien-pensants coincés,
Contempteurs des passions,
L’on devine que leur scrutateur
Visage s’est fermé une seconde
Au dérangement du monde,
Aux droits et aux devoirs,
À la rudesse d’un rivage
Si peu hospitalier
Que nul ne voudrait
Songer à les déranger…
Bien trop oppressant site,
Singulier no man’s land,
Grisâtre et sablonneux !
Bien trop sombre paysage,
Linceul des navires disloqués !
Est-ce une aube, un crépuscule ?
Qu’importe ! En accord, ils cachent
Leurs émotions à notre petitesse,
Envahis de joies et de bonheur.
.
Malgré leur physionomie impassible,
De leurs yeux légèrement plissés,
De concert vers le même lointain
Tournés, l’on devine émaner
Étrangement une lumière
Céleste. Elle les guide sur
Un même chemin, toutes
Leurs attentes comblées.
Ils n’ont pas d’autre faim
Sur ce littoral sauvage…
Ils n’ont pas d’autre soif
Sur cette terre inhabitée,
Que de vouloir se perdre
Dans l’union de leur être
Qui, par-delà les étoiles,
Filantes dans l’univers,
Jouit de la grâce rare,
Dispensée par hasard,
Qu’apporte la certitude
D’avoir croisé son Autre,
Unique et salvatrice Moitié
Qui manquait à soi-même.
.
Ouverts à tous les ports,
Ouverts à tous les quais,
Ouverts à tous les départs,
Toutes les arrivées, tous deux
Battent le rappel, sans que nous
N’en sachions rien, de leurs
Émois complices, de leurs
Baisers volés, de leurs
Étreintes inavouées.
Troublés par la force
De leurs liens mis à nu,
Nous, en voyeurs attendris
Mais frustrés, nous voudrions
Leur ravir ce feu qui les embrase
Et attise leur incandescente
Union, évidente à chacun.
Oui, vivre, un jour, en un
Lieu, une fois, quelques
Mois, loin des villes et
Des bruits, des foules
Et des cris, cet amour
Idéal, hors du Temps !
.
Par-delà la forte houle
De la mer tempétueuse
Qui emporte les secrets
Des matelots disparus…
Par-delà leur distinguée
Prestance et leurs habits
Seyants mais ordinaires
Qui n’incitent nullement
À vouloir « faire la fête »,
L’on pressent néanmoins
— Bien qu’en cette arrière-
Saison, les hautes vagues
Les impressionnent —
Qu’en rêve, ils se sont
Déjà embarqués, sans
Hésiter, pour Cythère…
Alors, nos corps racornis,
Nos esprits bien mesquins
L’on reste soudain pantois,
Amer et triste de comprendre
Qu’on ne naviguera jamais, toute
Voile dehors, vers cet Éden enchanteur.
* * * *
Dites ! Qu’êtes-vous devenus,
Aujourd’hui où la lune grise
Sur vous n’a plus d’emprise,
Jeunes amants jadis éperdus ?
Deux oiseaux de Paradis, à la haute
Branche d’un séquoia, dans les Cieux,
Qui se pavanent et gazouillent, gracieux ?
Dans nos mémoires, pour toujours, nos hôtes !
.
Poème écrit par Philippe Parrot
Entre le 1 et le 5 avril 2020
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