Le « 9-3 », département de la Seine-Saint-Denis situé au Nord-Est de Paris, est constitué d’une population nombreuse, jeune et pauvre. Qu’ils soient salariés formant l’essentiel des rangs des « premiers de corvée » (agents hospitaliers, aides-soignants, caissières, livreurs, éboueurs) ou familles nombreuses confinées dans des logements exigus, voire insalubres, les habitants de cette banlieue ont payé un lourd tribut à la pandémie de Covid-19, trop souvent confrontés à la précarité, à la pauvreté, aux déserts médicaux et à la promiscuité. De telles conditions de vie, difficiles et dégradées, n’ont fait que favoriser la propagation de la maladie et provoquer une mortalité élevée. On peut dès lors comprendre qu’une frange de la jeunesse « black, blanc, beur », livrée à elle-même et envahie par le sentiment d’être abandonnée, soit pleine d’aigreur, d’amertume et de désespérance…

Philippe Parrot

P 434 - Les oubliés du Covid

Photo libre de droit trouvée sur Pixabay.com ( Auteur : Free-Photos )

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Poème 434 : Les Oubliés du Covid

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Qu’y nous font sacrément bien marrer

Ces tas d’ bourges d’ parigots, tous

Barrés, en bagnoles, TGV, sacrée

Fugue d’ chiens d’ garde friqués,

Comparés à… « nous-aut’es »,

Vrais broyés d’ leur Système,

Parqués, comme des merdes,

Dans l’ ghetto des cités du 9-3 !

.

Dans les barres d’ Seine Saint Denis,

Nos mifas au complet, l’exiguïté,

On s’ la bouffe ! Frères et sœurs

Entassés, mêm’ destin, mêm’

Impasse, mêm’ piaul’, mêm’

Paddock… La promiscuité,

À gerber, qu’on voudrait

Bel et bien s’en passer !

.

Rêvons pas ! Impossible

Pour « nous-aut’es »

Sans diplôme,

Sans réseau,

Sans boulot,

Sans bagout,

Sans costard,

Sans bagnole !

.

Du coup, les Ceux-d’en-haut, ces foutus

Bien-placés, ces Dents-d’or, qu’y viennent

Surtout pas d’mander —à « nous-aut’es »

Black, blanc, beur, d’ l’armée des Sans-dents,

En ces temps d’ merde d’ pandémie où l’ Covid,

Amateur d’ vieilles peaux, apprécie comm’ P’tit-Lu

Les P’tits-Vieux, d’ rester chez nous, nos gueules bien

Fermées, coincés ent’e quat’e murs. Cons finis confinés !

.

Ou alors, pire encore,

— Sans couilles et bien serviles —

D’ montrer patt’ blanche, d’ présenter

Leur papier d’ merde, attestation d’ quoi ?

D’ mes deux ! D’ déplacement Dérogatoire,

Connard ! Y nous prennent pour des caves.

Nous, on sort, quand on veut, niquer nos

Meufs, sans d’voir la sucer à un keuf !

.

Quant à chanter au balcon

Que’que chansonnette à la con

Et croire qu’on va ainsi patienter

Et, par miracle, oublier nos galères,

Nos sales rages, là y s’ gourent ! Tandis

Qu’à l’hôpital, les blouses blanches, elles,

Elles soignent, nous, dans les rues, face

Aux cognes, on s’ la joue à l’empoigne.

.

Et tandis que… vous bouffez,

Buvez, baisez, r’faites le monde,

Terrés dans vos d’meures s’condaires,

Dans vot’e jardin, au calme, comptez pas

Qu’on s’imagine, comme bêt’ment vous l’ croyez,

Que l’ Covid, not’e Passé, y va l’enterrer et qu’ Demain

S’ra meilleur. Fuck you ! Y r’viendra au galop, nous, on l’ sait.

Dès lors, une fois d’ plus, comme toujours, on s’ ref’ra bien tringler !

.

Et tandis que… vous vous d’mandez

Qu’est-ce qui s’est donc bien passé pour

Qu’on en arrive là et qu’ vous puissiez plus

Sur les boul’vards voir les passants passer, que

Vous puissiez plus vous installer aux terrasses des

Cafés ou parader pour la gal’rie et faire le bellâtre ou

L’allumeuse, tout dans l’ bagout ou dans l’ corsage,

« Nous-aut’es » , on n’a qu’ les miettes d’ vos fêtes !

.

Et tandis qu’eux… — que c’ soit Avant, Pendant,

Après, Covid ou pas — premiers d’ corvée, s’épuisent

Jour et nuit pour vot’e confort et tandis qu’eux, premiers

D’ tranchée, la peur au ventre, des tensions dans tous leurs

Membres, traitent intubent sédatent, au nom d’Hippocrate,

Pour nous… confinés dans l’ ghetto du 9-3, rien n’a changé

Et n’ chang’ra. Rien ! Nos vies, c’est toujours cett’ foutue

Merde qu’ vous aut’es, d’en haut, ignorez, méprisez !

.

Et quand bien même, livreurs, routiers,

Caissières suent, grattent, soufflent, triment,

Subissent et encaissent, animés par l’ sentiment

Nouveau d’êt’e enfin r’connus pour c’ qu’ils sont :

Ces premiers d’ corvée sans lesquels rien n’ se fait,

Sans lesquels… les premiers d’ cordée n’ pourraient

Pas commander, nos vies, c’est toujours cett’ foutue

Merde qu’ vous aut’es, d’en haut, ignorez, méprisez !

.

Et quand bien même y ferment leur gueule, les premiers

D’ tranchée, trop occupés à batailler contre c’ Covid-19,

Et quand bien même, vous aut’es, là-haut, vous décrétez,

L’ blème, c’est qu’ nous, les derniers d’ corvée, les premiers

À s’ faire mettre, on trinque on encaisse, on morfle on en chie.

Alors, branche-toi ! Covid ou pas, confiné ou non, not’ vie, jamais elle

Chang’ra ! Car — ouvre grand tes esgourdes ! — les vrais Damnés, les vrais

Enculés, les vrais Oubliés, hors marché, c’est NOUS ! Pas les Aut’es.

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fichier pdfP 434 – Les Oubliés du covid

Poème écrit par Philippe Parrot

Entre le 19 et le 22 mai 2020

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