C’était une incongruité légendaire dans l’histoire de la ville. C’était une verrue disgracieuse incrustée au beau milieu des quais du port. Pourtant, ni les autorités municipales ni les habitants de la cité ne souhaitaient voir disparaître cet héritage du passé. Dernière trace de cette époque révolue où voiliers et chalutiers, tous de petite taille, venaient accoster là pour décharger marchandises et poissons, lorsque d’impressionnants travaux avaient été entrepris pour accueillir cargos et bateaux de pêche usines, acier et béton avaient envahi l’espace des deux côtés de la jetée en bois sans qu’il ne vint à l’esprit de personne de la détruire.
Rongé par la mer, déformé par le soleil, érodé par le vent, si l’enchevêtrement des poutres et des planches imposait encore le respect, l’ensemble était dans un tel état de délabrement que chacun se demandait quand la mer engloutirait la structure. Dans l’attente, de peur qu’elle ne s’écroule sous leurs pas, les gens n’y venaient plus, la chérissant de loin, hormis quelques irréductibles, touchés par cette construction d’un autre âge qui laissait tant de place aux rêves.
Philippe Parrot.
Port Navalo
* * * *
Poème 486 : Au bord de la jetée
.
Au printemps prochain,
Pour marquer ton retour,
Fébrile, je m’habillerai,
Heureuse de te plaire,
D’une tenue seyante,
Faite en ton absence,
Encore jamais portée.
.
Fière, je serai la plus belle
Des épouses esseulées
De la ville portuaire…
Mon corsage échancré
Sur mes seins généreux,
Ma jupe légère et colorée
Sur mes hanches pleines,
Mes longs cheveux auburn
Sur mes épaules saillantes,
Feront alors de moi la reine
De ces femmes impatientes
Dont les parfums puissants
Font chavirer les chairs…
Dont les grâces parfaites
Font rêver les esprits…
.
Plusieurs fois
Par jour, d’un pas
Alerte, le cœur battant,
J’irai sur la jetée en bois,
Encerclée par les flots,
Assaillie par le soleil…
Et cernée par le vent.
Ma souple chevelure,
Soulevée par la brise,
Flottera dans les airs,
Honorant sans façon
Les forces de la Terre
Dont je ressens l’élan.
* * * *
Quand donc te reverrai-je
Poser pied sur le ponton
Qui avance vers la mer ?
Tant d’autres s’y sont jetées
Pour noyer leur chagrin, brisées
D’apprendre qu’elles ne reverront
Jamais celui qu’elles chérissaient !
.
Quant à moi, avec
Comme seul témoin,
L’horizon infini, nimbé
De lumières, je choierai
Leur âme, toutes à fleur
D’eau, chahutées par la
Houle. J’attendrirai leur
Être, tous bouleversés
De me voir radieuse,
Auréolée d’écume.
.
Et, au beau milieu
Des vagues, brisées
Sur les pieux ; et, au
Beau milieu des cris
Des albatros hurleurs ;
Et, au beau milieu des
Odeurs d’iode et d’algue
Qui titillent les narines,
Leurs larmes sécheront,
À voir que dans ce port,
Malgré ton absence,
Malgré ta rudesse,
L’on peut encore
Aimer un homme
Qui vogue sur la mer
Comme, jadis, ses aïeux.
.
En leur nom oublié,
En leur amour perdu,
Je parlerai avec l’océan,
Dans un murmure d’ange.
Je danserai avec les lames,
Dans un corps de sirène,
Et les dieux des abysses,
À me voir et m’entendre,
Touchés par leur destin,
Serviront mieux le mien.
.
Un soir, n’y croyant plus,
Dans le soleil couchant,
Aux lueurs rougeoyantes
Là-bas, toute voile dehors,
J’apercevrai ton trois-mats
S’approcher de la côte, au
Terme d’un long périple.
* * * *
Réalité ou rêves ?
Du fait de ton attente, à
Ne pouvoir encore le savoir,
Tous moqueront ma constance
Comme ils raillaient, hier, ta folie.
Sûrs qu’un jour tu ne reviendras pas !
.
Poème écrit par Philippe Parrot
Entre le 20 et le 24 septembre 2021
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