Au pied d’un monumental escalier, aux couleurs pétantes mais défraîchies, il s’est assis dans un coin, son chien à ses côtés, d’une discrétion qui frise l’invisibilité. Si petit, face à l’imposante masse de béton que forme un « mur » de marches au cœur de la ville portuaire ; tellement perdu, au beau milieu de ce cadre urbain, impersonnel et froid, où le ciment règne en maître et où toute autre présence humaine semble exclue, ce jeune routard exprime, à sa manière, le désarroi des hommes modernes, dépassés par un univers pourtant créé de leurs mains et dont la démesure et le gigantisme les écrasent au quotidien.
Notre raison qui déraisonne à vouloir « artificialiser » jusqu’à l’extrême notre environnement ; notre humanité qui s’émousse à ne plus échanger avec les autres dans le respect et la bienveillance mais seulement à communiquer avec eux, via les réseaux sociaux, confronté à l’absurdité de tels bouleversements, lui a manifestement choisi la solution la plus radicale qui soit. Fuir un monde marchand où profits et algorithmes réduisent l’individu à une machine à produire et à consommer, tracée, surveillée, contrôlée et manipulée, qui ne peut plus penser et vivre par elle-même !
Anticipant ainsi, de façon discrète et tranquille, un refus catégorique que d’autres exprimeront dans les décennies à venir de manière beaucoup plus bruyante et violente. C’est certain.
Philippe Parrot
Photo non libre de droit prise par moi-même le 28 août 2021
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Poème 495 : L’oublié des villes !
.
À toujours douter de toi, dans
Tes mots et tes actes, plus encore
Dans le regard des Autres, porté
— Avec quelle morgue ! —
Par-dessus tes frêles épaules,
Dans nos sales mégapoles
Où, fourmis laborieuses,
Automates sans cervelle
— Taraudés par le sexe,
Assoiffés de pouvoir,
Dévoyés par l’argent —
Nous ne faisons qu’aller et
Venir pour produire toujours
Plus, tu erres, sac sur ton dos,
Invisible et solitaire, discernant
Dans nos fuyantes postures, toutes
Affectées, au final, en guise d’échange,
Qu’une indifférence, royale et travaillée.
Masquerait-elle comme un semblant
De honte ? La marque d’une ébauche
D’égard, viendra-t-elle, ce jour, pas
Si lointain, où, les énergies rares,
Le climat étouffant, soumis aux
Restrictions et à d’autoritaires
Régimes, nous en arriverons
À comprendre et approuver
Ton choix de jeune paria
Qui, à ne plus croire en
Rien, se prépare à tout.
Et, notamment, au pire !
.
Car, tu ne le sais que trop !
Aucun navire, aucun train
Ne viendra s’amarrer au
Quai où tu te réfugies…
Ne viendra s’arrêter à
La gare où tu te terres…
Quant à espérer bêtement
Qu’une femme sur un banc,
Sans attache, sans bagage,
Viendra te demander
De monter avec elle
Dans le premier taxi
Venu, qui passe, n’y
Compte surtout pas !
Ce serait, là, la preuve
Que ton esprit déraille et
Que, dans les méandres
De ton imaginaire, les
Aiguilles de l’horloge
Du haut hall d’accueil
Où les gens te toisent,
Sont toutes tombées
Par terre. suspendant
Le Temps à cet instant
Où tu ne fais qu’attendre
Ce qui, jamais, ne surviendra.
Dans la Salle de nos Pas Perdus,
N’y aurait-il donc plus de place
Que pour de vifs désespoirs,
Tueurs de maints désirs ?
.
Hélas, comme bientôt nous
N’aurons plus grand chose
À attendre, sinon des jours
Sombres, pour t’y préparer
Tu as décidé un matin, futé,
De sauter en marche, hors
Du wagon bringuebalant
De nos formules stériles
Et de nos actes funestes,
Pour t’engager sur l’âpre
Voie d’une quête, suivant
Les bas-côtés des routes
Nationales qui traversent
Nos villes et nos campagnes.
Au cours de ce destin nomade,
Tu as vite pris goût aux Ailleurs,
Ces cieux bien plus cléments
Où l’on se sent tranquille
Puisque l’on n’y attend là,
Ni l’assistance d’un ami,
Ni le soutien d’une mère,
Ni l’arbitrage d’un sauveur,
Ni la main d’une amante. Et,
Chaque nuit avant de sombrer,
Entouré de fantômes, témoins de
Ton passé, t’observes le firmament
Radieux— au vu de nos errements
Et de l’état du Monde — vraiment
La seule façon de te sentir en paix.
.
Poème écrit par Philippe Parrot
Entre le 23 et le 26 novembre 2021
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