2025-02-02 Philippe Parrot – A Esther, morte à Auschwitz (vidéo YouTube)

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Esther Polak

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À Esther, en voyage pour l’enfer…

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Dans les brouillards d’une aube de juillet,

Que tu ne savais pas être « la dernière »…

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Au terme d’un voyage, dans des wagons à bestiaux,

Interminable, que tu ne savais pas être « l’ultime »…

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Aux crissements des freins du convoi ferroviaire,

Brinquebalant, que tu ne savais pas être « damné »…

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Au brusque arrêt sur une voie de garage, entre

Des baraques, que tu ne savais pas être « fatale »…

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Aux braillements des « SS » escortés de chiens-loups,

Féroces, que tu ne savais pas être « inhumains »…

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Perdue, apeurée, coincée entre des inconnus collés

Les uns aux autres, après des jours dans les ténèbres,

Quand la porte coulissante soudain s’était ouverte,

Une lueur blafarde avait ébloui tes yeux creux.

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Dans un Temps suspendu, antichambre du Néant,

Des monstres vert de gris, fusils en bandoulière,

Cravache à la main, investis d’illimités pouvoirs,

Veillaient auprès des déportés à instiller la peur.

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Au milieu du tumulte, des ordres et des coups,

Prémices à l’anéantissement de votre cher passé,

Toi et mille gens, amassés sur le quai avec votre barda,

Attendiez, terrorisés, de savoir quel serait votre « après ».

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Générations futures ! Les brumes cotonneuses,

De cette matinée d’été, ont-elles réussi à préserver

La mémoire de ce jour, inscrit dans le flux du Temps ?

Ô méandres tortueux d’un Devenir mortifère et aveugle !

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Quelles que furent tes pensées en tête, sans le savoir encore,

Ton avenir était scellé. Trop petit pion dans une partie d’échec

Où seuls les Fous l’emportaient ! Les enfants et les vieillards,

Les malades et les blessés, sans attention, sans ménagement,

Avaient été séparés des hommes, des femmes, aptes au travail.

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Ton cœur et ton esprit accablés par les déchirements

Causés par la brutale sélection, voilà que tu poussas

Les hurlements d’une gosse qui cherche à échapper

Aux affres d’un cauchemar commencé sur des rails !

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Sans l’avoir entrevu, même dans un éclair, l’étoile jaune cousue

Sur ton manteau allait bientôt disparaître dans les flammes

D’un enfer rouge de sang. Placée dans une file, encadrée

De gardes impassibles, tu as pris un chemin à l’horizon

Duquel de noires fumées s’échappaient d’une haute

Cheminée. Tandis qu’une odeur de chair grillée

Empuantissait l’air, toute plainte s’était tue…

Chacun pressentait une issue innommable.

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Crâne rasé et toute nue, sauvagement arrachée à ta mère

Quelques instants plus tôt, sous prétexte de te doucher

Pour être plus pimpante, perdue au sein d’un groupe,

Tu entras dans une pièce vide, pourvue de pommeaux

Fixés au plafond. La porte refermée, dans l’obscurité,

Ah ! Que tu les attendais, ces filets d’eau revigorants !

De longues secondes s’étaient écoulées sans les sentir

Glisser sur ta peau quand un picotement titilla tes narines.

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Les capsules de Zyklon libéraient leur gaz toxique…

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Quinze minutes plus tard, asphyxiée, après les souffrances

De ta lente agonie, jetée dans un four crématoire, ton corps

Pantelant était réduit en cendres mêlées avec tant d’autres.

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Que restera-t-il de toi, Esther, ancré dans nos mémoires,

Hormis ton doux regard, limpide comme une eau claire,

Fixé dans l’argentique ? Rien ! Aucun détail d’enfance.

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Dispersées dans le vent pour qu’on t’oublie très vite,

Tes poussières ont disparu, noyées dans nos paillettes.

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Texte poétique écrit par Philippe Parrot ©

Le 27 janvier 2025, date du 80ème anniversaire

De la libération du Camp d’Auschwitz.

À la mémoire d’Esther Polak, fillette de 5 ans gazée à Auschwitz.

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