Résumé de « Vénus a deux visages »

Boris Zakowski, détective qui ne se soucie ni des convenances ni des lois, est chargé d’une enquête. Au cours de ses investigations, il manipule Nino Lanzani qui abandonne son emploi pour suivre un cirque : « Le Balbar Circus ». La rencontre avec Hannah, une saltimbanque qui présente un numéro de traversée de miroir, va bouleverser Nino. En lui faisant découvrir que le monde s’appréhende mieux avec le cœur qu’avec l’esprit, Hannah va redonner un sens à la vie de cet homme qui ne croit plus en grand-chose. Nino tombe amoureux de la magicienne et accepte de participer à son spectacle. Dès la première représentation, il fait la connaissance de Nelly, la gardienne d’un monde qui échappe à la réalité. Séduit par la jeune fille, Nino va se trouver confronté, au fil des rencontres, à l’expérience de l’amour dans sa dualité. Jusqu’au jour où, tiraillé entre ces deux femmes, d’ici et d’ailleurs, de chair et de rêve, il devra faire un choix, poussé par un événement imprévu : l’irruption d’un étranger dans la vie d’Hannah…

Autant dire que mon roman est réservé exclusivement aux doux dingues rêveurs !

Philippe Parrot

Pour lire dans son intégralité ce livre, illustré par Sandra Savajano, veuillez cliquer sur le lien suivant : « Vénus a deux visages ». Bonne lecture à vous !

EXTRAIT DE VENUS A DEUX VISAGES

« Le spectacle battait son plein et Balbar s’était saisi du micro pendant que le personnel s’affairait sur la piste à dé­monter la cage aux lions. Pour prolonger le frisson suscité à la vue des fauves, le maître de cérémonie tenait en haleine le public par ses propos. Sa voix parvenait aux oreilles de Nino et le tirait de ses rêveries. Elle traversait l’espace et le rappe­lait à sa promesse, amplifiée par les baffles et à peine assour­die par le chapiteau. Il devait ce soir se mêler à la foule assise sur les gradins et se proposer quand Hannah solliciterait un volontaire.

— Mesdames, Messieurs, écoutez, l’heure du voyage a sonné ! Il se fait tard, la nuit nous protège et les étoiles, mes­sagères d’univers lointains, brillent dans le ciel. Pourtant, Mesdames et Messieurs, une femme a exploré ces mondes aux confins du réel. Et elle vous invite à en franchir le seuil. Alors, je le proclame : osez malgré vos craintes et vos ré­serves ! Hannah vous ouvre les portes du merveilleux. Le merveilleux ? Laissons ces fadaises aux gamins ! Et pour­quoi ? Auriez-vous donc un cœur de pierre ? Bien sûr que non. Alors, vivent ceux qui oseront renouer avec les délices de leurs rêves d’enfant ! Vivent ceux qui oseront lâcher les certitudes de la raison ! Ceux-là seuls sortiront grandis et pourront dire : « Oui, moi j’ai bien vécu… ». Allez, mes amis, ayez l’audace des fous et devenez des sages ! Laissez-vous emporter par Hannah dans l’autre monde !

Ces paroles avaient arraché Nino à sa quiétude. L’occa­sion s’offrait ainsi de devenir un homme. Les rêves pourraient-ils lui enseigner ce savoir jamais découvert dans les livres ? Nino blêmit. Sa quête intellectuelle risquait de s’avérer une mystification si Balbar proclamait la vérité. Il ferma les yeux pour chasser cette éventualité de son esprit. Hélas, l’exhorta­tion de Balbar se faisait toujours entendre et la scène souvent observée des coulisses restait gravée sur sa rétine.

Sous le chapiteau, la nuit ! Si noire qu’aucun spectateur ne distingue son voisin, le regard captivé par Balbar. L’anima­teur chevronné est là, immergé dans la lumière du projecteur, éblouissant dans sa tenue de gala, les yeux brillants, fier de sentir hommes et femmes suspendus à ses lèvres.

Le miracle s’opérait ce soir encore sur les gradins à en­tendre le silence qui suivit l’invitation. Chacun retenait son souffle à l’idée de renouer avec l’enfance, hypnotisé par les gestes et les paroles de Balbar. Nino lui-même se sentait sous l’emprise du saltimbanque et entendait une voix lui intimer l’ordre de tenir sa promesse. Quand il comprit qu’il ne pourrait lui résister, il se leva, quitta la roulotte puis, parvenu sous l’enseigne lumineuse du « Balbar Circus » qui jetait un habit de lumières sur les passants, se faufila entre les bâches de l’entrée. Il s’efforçait d’accélérer le pas malgré sa dé­marche de guingois, pressé d’atteindre les tentures qui ca­chaient la piste. Nino était prisonnier de la magie du cirque avant même d’y parvenir. Les odeurs prenaient étrangement corps à fermenter en vase clos dans cette chaleur de serre. C’était un cocktail de relents d’haleines et de sueur, d’odeurs de fauves et de chevaux, surtout d’émanations d’urines et d’excréments que le sable de la cendrée ne parvenait plus à absorber.

Il ne s’était pas encore glissé entre les rideaux qu’il devina la présence d’Hannah. Bien qu’il n’eût pas encore perçu sa voix, il sut avec certitude, aux parfums brûlés autour du miroir pour délimiter une frontière invisible, qu’elle trônait au milieu de la piste avec la psyché et le gant. Il écarta d’une main le tissu, parcouru par un tressaillement à l’instant de découvrir un autre monde et de sauter le pas.

Elle était là, à quelques dizaines de mètres, juste devant lui, fixant l’entrée de ses yeux ronds. Celui qu’elle attendait osait enfin tenter l’aventure. Elle pouvait commencer.

— Mesdames et Messieurs, je vais vous raconter une histoire. Il y a des années naquit une simple d’esprit. Quand la mère réalisa le handicap de sa fille, elle convainquit son mari de l’enfermer et tous deux se mirent à boire pour oublier leur malheur. Chaque soir, ils rejoignaient la prisonnière au grenier, une bouteille à la main, et se moquaient d’elle à la lueur d’une bougie. Pourtant, ils ne vinrent pas une nuit d’orage. Heureuse d’échapper aux sarcasmes, la fillette s’abandonnait à la rêverie lorsque son attention fut attirée par le clapotis de gouttes qui tombaient du toit. Une flaque s’était formée sur le plancher au fil des heures et l’eau s’était solidifiée sous l’alchi­mie des rayons de la lune qui filtraient à travers la mansarde. Tant et si bien qu’au matin elle s’était métamorphosée en un miroir. La fillette s’empara d’un gant qui traînait là et l’effleura. Des ondes naissaient à chaque frôlement et s’échouaient sur les bords. Plus stupéfiant encore, ses doigts s’enfonçaient dans cette matière dure et perméable à la fois. Elle traversa la glace malgré ses peurs et ce qu’elle vit là-bas lui rendit le goût de vivre. C’était… Imaginez un peu… Une sorte d’univers avec… comment dire ? Des rencontres telles que… Atten­dez !

Le silence qui s’était imposé à l’insu des spectateurs ré­gnait maintenant sur les gradins. Tous étaient subjugués par son récit et voulaient savoir ce qu’elle avait découvert. Et voi­là ! Hannah s’arrêtait et les plongeait dans l’attente, juste au moment où elle s’apprêtait à satisfaire leur curiosité.

— Vous !

— …

— Vous, Monsieur ! Au fond. Là, sur le strapontin ! Ce soir, vous serez l’élu !

— Moi ?

— Oui, vous allez connaître ce que tous ici brûlent de sa­voir ! Ce qu’il y a derrière le miroir.

— Mais… Peut-être pourrais-je céder ma place ?

— Non.

Hannah avançait sous le feu des projecteurs, droit vers l’homme caché dans la pénombre. Le public avait deviné son anxiété à l’intonation. Comment diable pouvait-il avoir peur ? Tous auraient été comblés à sa place. Les spectateurs suivaient le cercle dans lequel la magicienne évoluait, curieux de découvrir qui pouvait hésiter.

*      *       *       *       *

Un jet de lumière s’était abattu sur les épaules de Nino. Il clignait des yeux, la main en visière au-dessus des sourcils. La clarté l’aveuglait et il s’apprêtait à partir lorsqu’il sentit une main s’emparer de la sienne. Il se laissa entraîner au centre de la piste, à deux pas du miroir, aussi docile qu’un aveugle appuyé à l’épaule de son guide. Le projecteur s’éteignit, le chapiteau disparut dans les ténèbres, la surface de la psyché devint fluorescente. Un halo enveloppait désormais Hannah et Nino. C’était une atmosphère étrange, presque spectrale. L’animosité à l’égard de Lanzani avait disparu et chacun ob­servait la scène avec émotion. C’était un même frisson, une même communion.

— Vous êtes prêt ?

— Pas vraiment ! Mais je vous l’avais promis, n’est-ce pas…

— Allez courage ! Le Pays-des-Rêves vous attend. Vous verrez, il est toujours à l’image du cœur. Aussi pur et candide.

— Hannah. Et si le mien ne l’était pas…

— Dans ce cas…

— Dans ce cas, quoi ?

Hannah frémit. Elle réalisait soudain qu’elle venait de commettre un impair, pire qu’elle s’était peut-être trompée. Elle avait provoqué une crainte chez Nino en lui suggérant que le merveilleux reflète les désirs. Le rêve pouvait se ré­véler cauchemar si ses pensées n’étaient pas aussi nobles qu’elle le croyait. Pouvait-elle s’être leurrée sur cet homme ? Hélas, il était trop tard. Face au public, ni l’un ni l’autre ne pouvaient reculer. Elle profita du malaise, sortit le gant de l’écrin et le glissa aux doigts de Nino.

Un « OH, oh, ô… » de frayeur traversa de part en part le cirque lorsque le phénomène se produisit. La foule était sai­sie. La manchette s’anima une fois de plus, s’élargit puis avala la main. C’était un habit sur mesure qui épousait parfai­tement la chair et collait à chaque pore. Nino semblait lointain. Le flux émis par la matière le revigora dès qu’il l’eut enfilée. Son regard recouvra son acuité et son esprit sa lucidité. Il était délivré par enchantement des angoisses qui l’assaillaient quelques secondes plus tôt. Même l’inquiétude suscitée par les propos d’Hannah s’estompait, balayée par une excitation qui le poussait à faire preuve d’audace ! Il se sentait le cou­rage d’un conquistador. Quelle que soit l’épreuve, il était prêt…

— Que dois-je faire maintenant ?

— Attendre que je m’éloigne de quelques pas et dispa­raisse dans la pénombre. Approchez ensuite le gant de la psyché, c’est tout.

— Et après ?

— Les choses se feront d’elles-mêmes, vous verrez.

— Bien… A tout à l’heure, Hannah ! Je, comment vous dire, je…

— Ne dites rien ! Pas maintenant. Plus tard. Quand nous serons prêts.

— Auriez-vous peur de ce qui pourrait m’arriver ou de ce que je pourrais vous dire ?

— Qui sait ?

Nino était au milieu de la piste, noyé dans l’aura du miroir. Il paraissait peu à peu se métamorphoser en un être évanes­cent, à la silhouette de revenant, au regard de somnambule, au teint de mort. Les spectateurs observaient avec inquiétude cet avatar transformer un homme en une créature immaté­rielle. Quant à Nino, il levait le bras en direction de la glace, indifférent à leur angoisse. Nul bruit, nul chuchotement, nul craquement. Tout le cirque retenait son souffle.

La paroi de verre frissonna au contact du gant. Nino ef­fleurait la psyché et l’émoi de la matière devenait évident au fur et à mesure que ses sollicitations se répétaient. Nino était à son tour troublé par les frémissements. A l’instant où sa rai­son bascula, il enfonça le gant dans la matière. La glace s’of­frit sans résistance et l’homme la pénétra. Il vit son bras et son épaule disparaître, happés par le vide. Alors, il enjamba le cadre de bois, passa un pied de l’autre côté et dans cette po­sition inconfortable, à cheval entre deux mondes, fit un signe à Hannah avant de s’abîmer dans l’inconnu. Les ondes provo­quées par l’engloutissement vinrent s’échouer sur les bords et la surface de la psyché retrouva bientôt sa rigidité. Les lois de la physique étaient de nouveau respectées. Le miroir était re­devenu un objet sans âme, une matière froide, lisse et com­pacte. A un détail près cependant. Quiconque aurait souhaité s’y regarder aurait constaté avec stupeur que le tain ne réflé­chissait aucune image. »

*      *       *       *       *

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